Le texte ci-dessous est une traduction d’un article paru aujourd’hui sur le site 8btc.com. J’ai essayé d’être fidèle à l’original, mais j’ai pris certaines libertés quand je pensais que cela pouvait améliorer la compréhension par un lecteur francophone. Je profite aussi de cet avertissement pour remercier l’auteur, qui chose rare en particulier chez nous, est une bitcoineuse, Mengdada de son nom de plume.

Le soir du 6 janvier, les 3 exchanges les plus importants de Chine (OKCoin, Huobi et BTCC) sont convoqués dans les locaux de la People Bank of China, la banque centrale chinoise. Ils y ont été fermement invités à « se contrôler eux-mêmes et à se corriger »(ndt : 自查整改, littéralement 自 soi-mêmeexaminer, inspectermettre en ordre, rectifiermodifier, réformer), une formule mystérieuse qui a suscité de nombreuses discussions au sein de la communauté. Mais la conséquence la plus immédiate et la plus spectaculaire de cet entretien, c’est l’effondrement du cours du Bitcoin, qui est descendu à 5600RMB avant de se stabiliser autour de 6300.

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BTCC a été le premier à publier un communiqué officiel, dans lequel il résume ainsi l’échange avec les employés de la PBOC : « le représentant de BTCC a présenté la façon dont opère la plate-forme, et a réaffirmé que BTCC continuerait comme par le passé à observer de la façon la plus stricte possible la législation et à s’efforcer de satisfaire les exigences de l’autorité de régulation. Il a assuré qu’être dans la légalité était crucial pour BTCC . BTCC s’est engagé à contrôler activement ses propres activités afin de rectifier ce qui aurait besoin de l’être, de contribuer à la stabilité du marché du bitcoin, et de toujours protéger l’intérêt des investisseurs. »

 

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Le communiqué en version anglaise, tel qu’il apparaît aujourd’hui sur le site de BTCC

Peu après les autres plate-formes convoquées ont elles aussi publié leurs propres communiqués dans lesquels elles s’engageaient dans les mêmes termes à « rectifier » leur activité, ce qui fait référence par exemple à la lutte contre le blanchiment ou au contrôle de la fuite des capitaux à l’étranger, et passe par un renforcement des contrôles sur l’identité des utilisateurs, avec pour objectif la stabilisation du marché du bitcoin.

En l’absence de règlementation étatique, les exchanges pourraient s’imposer leurs propres règles

En apprenant cette entrevue, tout le monde a bien sûr immédiatement pensé à décembre 2013, quand le cours du bitcoin atteignait les 8000RMB et que l’autorité de régulation de la PBOC avait publié le fameux communiqué dans lequel elle niait le statut de monnaie à Bitcoin et interdisait jusqu’à nouvel ordre aux banques et à tout organisme financier de mener la moindre activité en rapport avec lui. Même si, comme souvent en Chine, l’interdiction s’est avérée très peu suivie d’effet par la suite, cette annonce avait provoqué un cataclysme sur le cours. Mais de l’aveu des principaux intéressés eux-mêmes, le ton de l’entretien d’hier était plutôt cordial, et la décision de les convoquer avait manifestement été prise en réaction à l’envolée du cours le mois dernier. La PBOC espère que le marché du bitcoin puisse à l’avenir se stabiliser et se normaliser.

Une de mes connaissances qui a pu assister à l’entretien à la PBOC, mais qui désire conserver l’anonymat, m’a confié que cette injonction à « se contrôler et se corriger » est quelque chose de nouveau dans le discours de la PBOC. Le problème consiste toutefois à se « corriger » alors qu’il n’existe aucun cadre légal ou règlementaire clair, ni d’autorité de régulation désigné pour ces plate-formes.

Aujourd’hui, les exchanges sont un peu dans la même situation que ces vendeurs de rue qu’on voyait encore beaucoup il y a quelques années et qui vendaient des objets de collection comme des timbres, des vieilles cartes téléphoniques ou des pièces de monnaies anciennes : dans les deux cas un marché s’est formé spontanément au sein de la population sans contrôle des autorités. Les trois exchanges qui ont été appelés hier, ce sont un peu les vendeurs de rue qui ont attiré l’attention parce que leur étal était plus grand que ceux des autres. On leur a dit de « se contrôler et se corriger », mais à supposer que ces trois-là commencent à percevoir des frais supplémentaires pour compenser les frais engendrés par ces contrôles, le volume de trade va naturellement se reporter sur des concurrents qui n’étant pas soumis aux mêmes contraintes pourront se permettre de ne pas imposer ces frais. Il y a beaucoup de vendeurs de rue, et imposer cela juste aux plus gros n’aura pas un impact sur la rue dans son ensemble !
Si on voulait réellement faire rentrer les vendeurs de rue dans le cadre légal, un moyen serait de créer un marché dans lequel les vendeurs doivent s’enregistrer pour exercer, enregistrement qui les soumet au contrôle d’une autorité, en l’occurrence celle du Ministère du Travail, tandis que les clients auraient des droits bien définis et les moyens de faire entendre leurs réclamations en cas de litige. Un autre moyen serait de créer une plate-forme d’échange pour les timbres, les pièces et les cartes téléphoniques, qui ne serait jamais en possession ni de l’argent ni des biens et se contenterait de mettre en relation vendeur et acheteur, tandis qu’un troisième acteur gouvernemental superviserait la transaction.

Les cryptos en général et Bitcoin en particulier n’en sont encore qu’à un stade précoce de leur développement, et en l’absence d’un cadre légal et règlementaire clair, inciter les acteurs à trouver une forme d’autorégulation est sans doute la meilleure solution. Un exemple à suivre pourrait être celui de la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA), une entité non-gouvernementale rattachée à la Bourse de New-York et chargée de s’assurer du respect de la règlementation par les différents acteurs des marchés, dans l’intérêt de l’investisseur. D’après ce que m’a rapporté mon contact des échanges avec la PBOC, un des représentants de Huobi aurait parlé d’une réflexion en cours pour créer un groupe de régulation du secteur en coopération avec les autres exchanges.

Alors que les récentes variations du cours ont attiré une large attention sur Bitcoin, la solution proposée par la PBOC ne semble pas faire sens en l’absence de législation claire et d’autorité de régulation identifiée sur le sujet, en revanche une alliance des principaux exchanges afin de se fixer leurs propres règles paraît raisonnable et apporterait non seulement davantage de stabilité et de légitimité aux exchanges impliqués, mais contribuerait aussi à normaliser le marché chinois.