La presse de ce jour (le Monde, Rue 89, etc) a annoncé l’enterrement du projet de Cloud souverain à la française. C’est certainement un sujet compliqué, un dossier énorme.
Certains auront beau jeu de dire : au lieu d’essayer de financer l’innovation par l’État en mode staliniste, encourageons les VC à rester en France. D’autant que d’autres rappèleront que ce n’est pas, et de loin, le premier flop souverain, et reparleront par exemple de Quaero qui n’a pas créé le « Google à la française » dont on parlait du temps de Chirac.
Chacun sent bien qu’il y a un problème français, et que ce problème a quelque chose à voir avec le mode d’intervention de l’État, sans que soit pour autant évidente la nature du défaut : caractère suranné du colbertisme? frontières par trop poreuses entre la haute administration et la direction des « champions nationaux »? réticences culturelles face à de réelles remises en cause des structures ?
Depuis quelques semaines, on a vu se multiplier les marques de curiosité venues d’en haut à l’égard de ce que l’on ne désigne plus autrement que la technologie blockchain. On peut comprendre que tel ou tel haut-fonctionnaire éprouve quelque réticence à effleurer le sujet du bitcoin après avoir lu des articles qui en font la monnaie du délit, si ce n’est du crime, et que des banquiers désormais astreints à une compliance qui allonge chaque jour la liste des mots tabous et des sujets dangereux préfèrent parler de blockchain tant que ce mot reste permis.
Ce qui serait plus grave, ce serait de croire réellement que la distinction est nette et que le sujet de la blockchain peut être étudié sans réelle compréhension du sujet bitcoin. J’ai parlé sur mon blog d’une futilité d’ancien régime, en évoquant les aristocrates qui jouaient et applaudissaient Beaumarchais sans grande réflexion.
Il ne suffira donc pas d’une table ronde présidée par un représentant de Bercy, un envoyé de la Caisse des Dépôts et un de la Banque de France (même si chacune de ces institutions recèlent des gens sincèrement intéressés par le sujet) pour lancer, devant quelques têtes chercheuses d’Orange ou de BNP Paribas, cette « Blockchain à la française » que l’on voit poindre dans les affirmations selon lesquelles la France ne doit pas rater la révolution blockchain ou les livres blancs expliquant comment la technologie Blockchain peut permettre à la France et à l’Europe de prendre l’avantage en matière de banque et de finance en confiant plus ou moins la gestion du chantier à un régulateur (cf. page 37) et un fonds de 100 millions à la Caisse des Dépôts (page 38).
Il faudrait multiplier les rencontres les plus interprofessionnelles et interdisciplinaires, les plus informelles aussi, et que chacun se fasse d’abord une idée des use-cases. Avant de recruter deux développeurs en faisant savoir que « la Banque veut sa blockchain », peut-être faudrait-il simplement se demander pourquoi ?
Avant de parler de révolution, peut-être faut-il voir plus loin que la grandeur de la France d’une part, la réduction des coûts d’autre part ? Sans quoi il y a fort à parier que les mêmes causes produiront des effets assez similaires.