Ça ne sent pas le Sapin !

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Outre cette blague d’un piètre goût le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, a répondu à une interview pour Le Monde. Ses réactions sont plutôt positives et montre un intérêt de la France pour les cryptos-monnaies. Nous avions évoqué récemment la remise d’un dossier de Tracfin qui sera dévoilé dans la journée. Voici l’intégralité de l’interview :

Quels défis particuliers les monnaies virtuelles ou « crypto-monnaies », comme Bitcoin, posent-elles ?

Les monnaies virtuelles sont une réalité, même s’il ne faut pas la grossir car il ne s’agit pas de montants susceptibles de déstabiliser le système financier. Elles ont d’abord un intérêt pratique car elles offrent des possibilités de transactions à coût plus faible que les services de paiement classiques. Elles offrent également une alternative aux consommateurs, une autre philosophie de l’échange, moins institutionnel. C’est un modèle que je respecte, et qui repose sur une capacité d’innovation qu’il faut promouvoir. Pour ce faire, le système doit être régulé, au bon sens du terme, sans jugement de valeur. Réguler n’est pas museler.

De quelle façon ?

D’une part, la puissance publique doit apporter de la sécurité à l’utilisateur de monnaies virtuelles, par nature risquées, sans pour autant limiter ses libertés. D’autre part, comme le bitcoin est un dispositif financier, nous devons éviter qu’il ne soit utilisé dans le cadre d’activités illicites, principalement la fraude et le blanchiment. Nous avons à ce titre l’obligation et la légitimité pour intervenir. Le rapport de Tracfin préconise une levée partielle de l’anonymat des utilisateurs de monnaie virtuelle.

Comment allez-vous procéder ?

Les monnaies virtuelles offrent effectivement la possibilité à n’importe quel utilisateur de faire une transaction anonyme auprès d’un autre utilisateur. L’idée est notamment de lever l’anonymat au moment où il y a frottement entre les deux sphères, virtuelle et réelle, c’est-à-dire au moment où l’on se sert de la monnaie virtuelle pour effectuer un achat, un transfert ou un retrait en euros. Cela vaut pour l’acheteur comme pour le vendeur.

Tracfin préconise aussi de plafonner l’utilisation des monnaies virtuelles en tant que moyen de paiement, pourquoi ?

Aujourd’hui, c’est déjà le cas pour les paiements en liquide, qui sont limités à un certain montant. Par exemple, on ne peut pas acheter sa future maison en espèces. C’est un motif d’ordre public, aujourd’hui bien ancré dans les mœurs. Les raisons sont les mêmes pour les paiements en monnaie virtuelle : dès lors qu’un moyen de paiement est entièrement anonyme, et donc non traçable, il y a des risques qu’il faut pouvoirendiguer.

Comment la fiscalité s’applique-t-elle sur les monnaies virtuelles ?

A ma demande, une instruction fiscale est publiée aujourd’hui afin de préciser la fiscalité qui s’applique à ces monnaies. Les plus-values seront imposables au titre des bénéfices industriels et commerciaux ou au titre des bénéfices non commerciaux, selon que l’activité d’achat et de revente est effectuée ou non de façon régulière et professionnelle. Les bitcoins et autres font aussi partie du patrimoine de leur propriétaire ; ils devront donc être déclarés au titre de l’ISF. Enfin, et c’est un vrai enjeu, la France soutiendra au niveau européen un non-assujettissement à la TVA, en raison notamment des risques de fraude qui seraient liées au caractère remboursable de la TVA sur ces actifs immatériels.

L’absence de statut juridique des monnaies virtuelles pose-t-il problème quant à leur régulation ?

Non. Effectivement, elles n’ont pas un statut de monnaies officielles et ne peuvent pas être qualifiées juridiquement comme telles. Payer en monnaie virtuelle est aujourd’hui légalement assimilable à du troc. Mais il n’existe pourtant pas de vide juridique : les outils existants permettent de les appréhender. D’ailleurs, mieux vaut raisonner à partir de ces outils bien connus plutôt que de leur créer un statut ad hoc. La technologie autour des monnaies virtuelles évoluant très rapidement, il ne faut d’ailleurs pas se doter d’un cadre réglementaire trop rigide.

Quelles sont les initiatives prises au niveau européen ?

Les monnaies virtuelles sont un phénomène global ; il est donc utile de les réguler de façon transnationale. Dans un premier temps, le niveau européen me paraît être le plus pertinent. La quatrième directive européenne contre le blanchiment d’argent est par exemple en cours de négociation. Je souhaite qu’elle englobe les échanges en monnaie virtuelle, afin de garantir une égalité de traitement entre les acteurs financiers. Encore une fois, le paiement en bitcoin est légal, cette activité doit donc être reconnue et régulée.

A quel horizon peut-on attendre les premières mesures d’encadrement ?

L’instruction fiscale est applicable dès à présent et la France souhaite que la directive anti-blanchiment soit adoptée d’ici la fin de l’année. Quant aux préconisations du rapport de Tracfin sur l’anonymat notamment, les premières décisions en découlant peuvent être prises rapidement après un échange avec les professionnels que j’ai demandé à Tracfin de mener.

UNE BONNE IMPRESSION

Cet interview révèle plusieurs positions intéressantes du ministre sur la monnaie digitales. Tout d’abord il ne la conçoit pas comme une ennemi, il y a un désir de l’apprivoiser et d’aller dans le sens de l’innovation. On remarquera aussi un eclaircissement du statut des plus-values Bitcoin, qui seront imposées d’une manière tout à fait normale. Un autre regard intéressant est le fait que l’état a bien compris que le Bitcoin est le liquide du futur et qu’il faut donc le considérer comme tel. On pourra tout de même s’inquiéter des plafonds plus ou moins annoncés car le but du Bitcoin est aussi de pouvoir payer de grosses sommes sans comissions excessives. Enfin on voit clairement que le but est d’appliquer une règle de know your client systématique pour pouvoir tracer les utilisateurs de la monnaie. Nous vous livreront plus d’infos dans la journée.

Source : Le Monde