Le litige est né d’un citoyen suédois, David Hedqvist. Avant de lancer son activité d’achat-vente de monnaie Bitcoin en échanges de devises suédoises, M. Hedqvist avait déposé une demande d’avis préalable auprès de la commission suédoise de droit fiscal afin de savoir s’il devait soumettre ses opérations de change à la TVA.
Cette commission a estimé que les monnaies numériques devaient bénéficier de l’exonération de TVA au même titre que les opérations relatives aux autres moyens de paiement officiels, dans la mesure ou elles constituent des moyens de paiement légaux sur le territoire de l’Union européenne. La commission indique que le Bitcoin est une devise numérique analogue aux autres devises échangeables s’agissant de leur usage dans le monde réel.
Par la suite, l’administration fiscale suédoise a formé un recours à l’encontre de l’avis de la commission.
En conséquence, la Cour de Justice de l’Union Européenne a statué sur ce sujet dans son arrêt en date du 22 Octobre 2015.
DES QUESTIONS PREJUDICIELLES
Dans cette affaire, la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, et 135, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE en date du 28 Novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, à savoir le caractère imposable à la TVA des opérations de change mais également dans le cas où les opérations de change seraient imposables, il convient de déterminer si elles sont également soumise à la taxe, c’est à dire si elles ne sont pas exonérées.
En effet, la directive relative au système commun de TVA au terme de son article dispose que les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un Etat membre par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA. Cependant, les Etats membres doivent notamment exonérer les opérations qui portent sur « les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux« .
PRISE DE POSITION FAVORABLE DE LA CJUE
Ainsi, dans sa décision, la CJUE juge que la devise numérique décentralisée « Bitcoin » est un moyen de paiement contractuel, qui ne peut etre regardé, ni comme un compte courant, ni comme un dépôt de fonds, un paiement ou un virement et qu’elle constitue un moyen de règlement directe entre les opérateurs qui l’acceptent. La devise numérique « Bitcoin » ne constitue ni un titre conférant un droit de propriété sur des personnes morales, ni un titre de nature comparable.
La CJUE estime également que des opérations d’échanges de devises traditionnelles contre des unités de la devise numérique « bitcoin », et inversement, constituent des prestations de services, et non pas de livraison de bien, fournies à titre onéreux, des lors qu’elles consistent en l’échange de différents moyens de paiement et qu’il existe un lien direct entre les service rendu (par le requérant initial, Monsieur Hedqvist) et la contre valeur reçue par lui, à savoir la marge constituée par la différence entre, d’une part, le prix auquel il achète les devises et, d’autre part, le prix auquel il les vend à ses clients en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c) de la directive de 2006.
Enfin, la Cour considère qu’en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous e) de ladite directive de 2006 concernant les opérations portant sur les « devises, les billets de banques et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux« , les prestations de services consistant en l’échange de devises traditionnelles contre des unités de la devise numérique « Bitcoin » et inversement, effectuées contre le paiement d’une somme correspondant à la marge constituée par la différent entre, d’une part, le prix auquel l’opérateur concerné achète les devises et d’autre part, le prix auquel il les vend à ses clients, constituent des opérations exonérées de la TVA.
Ainsi, avec cette décision, la CJUE laisse la porte ouverte à une définition du Bitcoin en tant que devise à proprement parler. Un pas que les Etats-Unis n’ont pas encore franchis puisque Outre-Atlantique, le Bitcoin n’est reconnu que comme une simple « commodité« .
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Source : eur-lex.europa.eu