L’article ci-dessous, publié sur le site chinois 8btc.com, est signé par un avocat chinois spécialiste du droit des affaires, qui dit avoir collaboré avec les créateurs d’Antshares (dont j’ai déjà parlé plusieurs fois) en les conseillant sur les aspects légaux et réglementaires du projet.

Il cherche à y montrer que sur le plan strictement légal rien ne s’opposerait à l’enregistrement des droits de propriété des associés et des actionnaires sur une blockchain, car dans l’état actuel de la législation chinoise le registre des associés et des actionnaires est déjà tenu par l’entreprise elle-même, et l’inscription dans ce registre est suffisante pour se prévaloir de ses droits,sans nécessité d’un tiers de confiance. Je traduis librement ses propos ci-dessous.

Le droit chinois distingue les « sociétés par actions » (股份公司, gufen gongsi) et les « sociétés à responsabilité limitée » (有限公司, youxian gongsi). Les sociétés par actions peuvent être cotées en Bourse (上市 shangshi, littéralement « montée sur le marché ») ou non. Seules les entreprises cotées dispose d’un organisme national unique d’enregistrement, le China Securities Depository and Clearing Corporation ltd (中国证券登记结算公司, zhongguo zhengquan dengji jiesuan gongsi), mais il n’existe rien de tel pour les entreprises non cotées : selon les réglementations en vigueur en RPC, charge à elle d’émettre leurs actions et de tenir à jour la liste de leurs actionnaires. Même si il existe des entreprises spécialisées auxquelles elles peuvent déléguer cette gestion, il n’y a aucune obligation légale de faire appel à un « tiers de confiance ».

Quant aux sociétés à responsabilité limitée, elles n’émettent pas d’actions, c’est pourquoi la loi impose à chaque SARL de tenir son propre registre des associés :

Les associés [ndt : en chinois, l’associé dans une SARL ou l’actionnaire d’une société par actions sont désignés par le même terme, 股东 gudong, « le propriétaire 东 de parts 股 »] peuvent se prévaloir de leur inscription dans le registre des associés (股东名册 gudong mingce, « le registre 册 des noms 名 des associés ») pour revendiquer et exercer leurs droits. (Droit des sociétés, article 33)

L’enregistrement des associés auprès du Ministère du Travail et du Commerce (工商部 gongshang bu) a essentiellement un rôle de publicité de l’information, et d’un point de vue légal elle rend l’information opposable à un tiers. Mais cet enregistrement ne constitue pas, contrairement aux idées reçues, une preuve légale suffisante des droits d’un associé :

La société doit enregistrer les nom et prénom de chaque associé auprès de l’autorité compétente. Tout changement doit être enregistré. Le défaut d’enregistrement ou de mise à jour de l’information empêche d’opposer son droit de propriété à un tiers en cas de litige.

Ainsi, à l’exception des sociétés par actions cotées en Bourse, en RPC le droit laisse beaucoup d’autonomie aux entreprises quand il s’agit de garantir les droits de tous leurs associés, car ce sont elles qui créent, conservent et fournissent le cas échéant la preuve nécessaire à l’exercice de leurs droits, qu’il s’agisse des actions émises ou des registres contenant l’identité des associés et le montant de leurs parts. Pour toutes ces opérations, elles ne dépendent d’aucun organisme d’enregistrement public : le Ministère du Travail et du Commerce, en dépit de son crédit auprès du grand public, ne joue ici qu’un rôle secondaire.

Si l’on considère maintenant la blockchain avant tout comme une technologie permettant d’enregistrer et de conserver l’information, comment ne pas voir le potentiel pour la création et la conservation de ces registres au sein de chaque entreprise ? La blockchain, quoique sans doute un peu déroutante pour les entreprises, est une technologie répondant parfaitement à leurs besoins pour réaliser cette opération, et leur permettra d’être plus fiable et efficace à moindre coût que les solutions utilisées aujourd’hui.

D’un point de vue légal, absolument rien ne s’y oppose. Que ce soit dans le droit des sociétés ou la réglementation relative à l’enregistrement de ces informations, la loi ne spécifie nulle part la forme que doit prendre cet enregistrement, si ce n’est qu’il doit pouvoir être produite sous une forme écrite et intelligible. Si l’on laisse de côté les sociétés par actions cotées, les entreprises chinoises ont donc aujourd’hui toute latitude pour choisir un enregistrement sur blockchain.

Aujourd’hui la plupart des entreprises choisissent le support papier pour tenir ce genre de registre, par habitude, mais aussi parce qu’elles considèrent un registre papier sous bonne protection plus difficile à falsifier qu’une version électronique, et que les autorités sont encore parfois réticentes envers le support électronique. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une obligation légale, et il n’existe aujourd’hui aucun fondement légal pour empêcher une entreprise d’adopter la blockchain.

Le rôle du Ministère du Travail et du Commerce est également appelé à évoluer, et le législateur commence à en prendre conscience. En effet ses domaines de compétences sont aujourd’hui trop hétérogènes. Son rôle principal reste l’enregistrement des créations et des liquidations d’entreprises, incluant la gestion des faillites, ainsi que la délivrance des permis pour l’exercice des activités contrôlées.

Comme nous l’avons vu, le Ministère peut être sollicité pour enregistrer les droits des associés afin d’empêcher que plusieurs personnes puissent prétendre être propriétaire des mêmes parts. Mais dans le fonctionnement normal de l’entreprise et en-dehors de ces situations litigieuses voire carrément frauduleuses, nul besoin de faire appel à lui pour se prévaloir de ses droits en tant qu’associés ou qu’actionnaires.

Enfin, il est également chargé du contrôle du respect de la réglementation par les entreprises, en particulier le respect des règles anti-trust et des règles de la concurrence, ainsi que de la répression des fraudes et des contrefaçons.

Ces missions évoluent depuis quelques années, les opérations purement administratives lors des créations et des liquidations tendent à se simplifier et à devenir moins envahissantes, tandis que le rôle de régulation du marché et de répression des fraudes prend davantage d’importance.

Cette évolution des missions du Ministère en ce qui concerne l’enregistrement et le contrôle des droits des associés et des actionnaires se fait donc dans l’esprit de la réglementation déjà en vigueur, qui vise déjà à sortir ces tâches de l’orbite des institutions gouvernementales pour la déléguer à chaque entreprise. Dans de nombreuses provinces, les sociétés par actions non cotées n’enregistrent en fait déjà plus la liste de leurs actionnaires auprès des autorités de contrôle. La Chine se met ainsi au diapason des autres économies développées, où ces opérations sont déjà effectuées depuis longtemps par des organismes privés.

La blockchain s’inscrit donc dans cette transformation déjà en cours, en supprimant radicalement la nécessité du tiers de confiance, qu’il soit étatique ou privé. Mais ses bénéfices vont au-delà de la simple opération d’enregistrement et de conservation de l’information, puisqu’elle garantit également la validité et la publicité de celle-ci, réduisant les drastiquement les risques de contentieux.

Antshares est une expérience audacieuse dans cette direction, et si personne ne saurait garantir son succès, je peux assurer que de ce point de vue absolument rien ne peut lui être opposé pour le moment. A la condition que la version finale respecte l’ensemble des réglementations en vigueur, Antshares pourra tout à fait remplacer les registres actuels chez les entreprises qui accepteront de l’adopter, et les actionnaires de ces entreprises pourront tout-à-fait jouir de leurs droits sur la seule foi des informations inscrites sur la blockchain.

Texte d’origine : http://www.8btc.com/antshares-compliance

在此,特别感谢作者高素质蓝领回答我的入门者的问题。