LE BITCOIN EST TRÈS LARGEMENT DOMINANT PARMI LES CRYPTO-MONNAIES
Il y a plusieurs centaines de crypto-monnaies nées depuis la création du Bitcoin en janvier 2009. Certaines sont intéressantes du fait de leurs propriétés légèrement différentes du Bitcoin et en constituent des versions améliorées. Pourtant, toutes ces autres crypto-monnaies ne comptent presque pas. En consultant la page CoinMarketCap vous découvrirez que les autres crypto-monnaies (les 100 premières sont listées sur la page) ensemble valent moins de 10% de ce que valent les bitcoins (le 8 septembre 2014 : 6 milliards de dollars). Il ne semble pas y avoir d’explications très simples à cette situation, et il est difficile de savoir ce qu’elle signifie pour l’avenir des crypto-monnaies.
LE BITCOIN NE PEUT PAS ÊTRE COMPARÉ À UNE PYRAMIDE DE PONZI
C’est une absurdité totale de comparer le Bitcoin à une pyramide de Ponzi. Dans le mécanisme d’une pyramide de Ponzi, les pigeons confient leur argent à une sorte de banque qui leur promet des rendements plus élevés qu’ailleurs. Ces rendements sont payés à ceux qui se retirent de la pyramide en embarquant toujours plus de monde dans la pyramide qui ne tient qu’en faisant croître exponentiellement le nombre de pigeons embarqués, ce qui n’est pas possible très longtemps et provoque donc son écroulement. Avec le Bitcoin, personne ne promet rien. Au contraire, on vous avertit que le Bitcoin est une expérience et qu’il ne faut y investir que les sommes qu’on est disposé à perdre. Surtout, personne ne joue le rôle du banquier recevant des dépôts et versant des intérêts. Même en cherchant bien, rien dans le système Bitcoin ne ressemble à une pyramide de Ponzi. On peut critiquer le Bitcoin, mais pas en disant n’importe quoi !
LE BITCOIN A VRAIMENT DES PROPRIÉTÉS QU’AUCUNE MONNAIE OU VALEUR NE POSSÈDE
Un exemple. Vous pouvez passer la frontière entre la France et un pays frontalier (la Suisse par exemple !) avec l’équivalent de 10 millions d’euros sur vous (ou n’importe quelle somme) sans que personne absolument ne puisse le savoir et vous ennuyer. Il suffit d’apprendre par cœur les clefs d’un compte créé en France sur lequel vous déposez votre argent. Vous pouvez aussi écrire ces clefs sur une page d’agenda, au milieu d’un livre dans vos bagages, ou dans un fichier de votre ordinateur au cœur d’un long document.
Une fois la frontière passée, comme vous seul pouvez disposer des sommes du compte (car vous seul connaissez la clef secrète du compte), c’est comme si ces sommes avaient franchi le poste frontière avec vous. Bien évidemment, les douaniers ne peuvent pas lire vos pensées (ou tous les documents-papier et numériques qui vous accompagnent) pour y repérer les clefs de votre compte Bitcoin, dont d’ailleurs ils n’ont pas de raison se soupçonner l’existence. Vous n’avez pris aucun risque… et pourtant l’argent est de l’autre côte de la frontière. Ni l’argent liquide, ni l’or, ni aucune valeur ou monnaie ne permettent cela.
D’autres exemples en :
Coindesk – 6 Things Bitcoin Has Made Possible for the First Time
LE RISQUE MATHÉMATIQUE D’UN EFFONDREMENT DU BITCOIN EXISTE, ET EXISTERA SANS DOUTE TOUJOURS
Même « au froid » (dans votre porte-monnaie numérique sur le disque d’un ordinateur non relié au réseau et éteint), même uniquement stocké dans votre mémoire (voir le paragraphe précédent), vos bitcoins peuvent disparaître instantanément. En effet, le système de signature à double clef du Bitcoin (ECDSA avec la courbe secp256k1) n’a jamais été prouvé incassable. Cela signifie qu’il se peut qu’un mathématicien génial (…ou la NSA) réussisse un jour à trouver un moyen de calculer les clefs privées à partir des clefs publiques. C’est peut-être déjà le cas. Cela lui permettrait alors de vider tous les comptes existant pour son propre profit. Il ne le ferait probablement que lentement pour ne pas attirer l’attention (peut-être est-ce déjà en cours). Il serait facile à ceux disposant de cette capacité de faire s’écrouler le Bitcoin si c’est leur but. Le Bitcoin reposera toujours sur un pari mathématique susceptible d’être perdu. Il faut en être conscient. Remarquons que ce n’est pas le cas de l’or, ou même du dollar ou de l’euro qui peuvent voir leurs cours évoluer rapidement (en cas de crise économique majeure) mais pas de manière instantanée comme le Bitcoin qui reste en équilibre sur une conjecture mathématique.
Quand vous détenez de l’or, on peut vous le voler certes, mais s’il est enfermé dans un bon coffre, c’est difficile. Il n’existe aucun bon coffre pour les bitcoins, même votre mémoire.
À côté de l’effondrement mathématique, il y a aussi l’effondrement informatique dû à un bug dans les programmes faisant fonctionner le Bitcoin. Tous les bugs ne sont pas aussi graves que l’effondrement mathématique, mais certains le valent presque. L’histoire du Bitcoin ne laisse guère de doute :
Coindesk – The 9 Biggest Screwups in Bitcoin History
LE BITCOIN NE PEUT PAS AVANT LONGTEMPS JOUER UN RÔLE ÉQUIVALENT AU DOLLAR OU À L’EURO
Le Bitcoin ne sera pas avant longtemps, et peut-être jamais, un véritable concurrent international des grandes monnaies. Les rêves anarchistes ou libertariens de certains ne sont pas sérieux. La raison en est très simple : il y a plus de huit cents milliards de dollars (en billets) en circulation. C’est nécessaire, semble-t-il, à la finance et à l’économie mondiale. Pour que le Bitcoin puisse concurrencer le dollar, lui qui vaut aujourd’hui au total 6 milliards de dollars, devrait voir son cours multiplié par plus de 100. Ce n’est pas impossible, dans l’absolu, mais qui peut croire que cela se fera rapidement et sans réaction des États concernés par l’émergence d’un concurrent nuisible à leurs monopoles.
Cette remarque n’est pas entièrement négative, car elle n’exclut pas que si le Bitcoin possède des propriétés intrinsèques très appréciées et préférées à celles du dollar ou de l’euro par un grand nombre d’acteurs économiques, alors son cours montera inéluctablement (sans doute assez lentement), jusqu’à ce que la valeur totale des bitcoins atteigne un niveau comparable à celles du dollar ou de l’euro. Cela ne peut pas être immédiat, mais on peut rêver…
S’EMPARER DU BITCOIN PAR LA FORCE N’EST PAS AUJOURD’HUI TRÈS CHER
Réussir à mettre en place un ensemble de calculateurs qui domineraient le minage des bitcoins en produisant plus de 50% de la puissance de minage (ce qui permet on le sait de perturber gravement le fonctionnement de la Blockchain), n’est pas vraiment coûteux à l’échelle d’un État ou d’une grande entreprise. Un calcul sommaire permet d’évaluer ce coût.
L’argent dépensé à chaque instant, en tout dans le monde, pour miner les bitcoins est en gros équivalent à ce que rapporte le minage. En effet : (a) si c’était sensiblement moins, les mineurs se multiplieraient car cela signifierait qu’il y a de l’argent facile à gagner ; (b) si c’était sensiblement plus, cela ne vaudrait plus la peine d’investir dans le minage et de le pratiquer. Les bitcoins rapportent aujourd’hui en gros 25 x 6 x 24 x 500 dollars ≈ 2 millions de dollars par jour. En multipliant cette somme par 100 (ce qui correspond à 3 mois) on obtient, en ordre de grandeur, l’investissement exigé pour dominer le minage : environ 200 millions de dollars (c’est une estimation très grossière, peut-être que 100 millions suffiraient du fait des effets d’échelle bénéficiant à celui qui investirait massivement dans le minage).
Une telle somme permettrait donc de prendre suffisamment le contrôle de la Blockchain pour en empêcher gravement le bon fonctionnement. Si l’État américain par exemple en donnait l’ordre à l’un de ses services (la NSA à tout hasard) ce serait donc assez facile. À moins que le cours du Bitcoin augmente beaucoup, cette possibilité de s’emparer de la Blockchain reste et restera largement à la portée de l’État américain (cela sans avoir à casser les protocoles cryptographiques de signature précédemment évoqués). D’autres États ou entreprises internationales (Apple dispose par exemple de plus de 150 milliards de dollars de cash en réserve) pourraient d’ailleurs aussi vouloir s’emparer de la Blockchain, puisque ce n’est pas cher !
LE RÔLE DES DÉVELOPPEURS N’EST PAS ENTIÈREMENT CLAIR DE MÊME QUE LE POUVOIR DONT ILS DISPOSENT
Le noyau de développeurs qui travaillent à l’amélioration des programmes et protocoles Bitcoin possède un certain pouvoir sur lui. N’oublions pas qu’en août 2010 un bug laissé dans les programmes avait permis à un petit malin de créer 194 milliards de bitcoins. Il fut décidé de revenir en arrière à un état antérieur de la Blockchain pour annuler cette création frauduleuse. Ce type de corrections à la suite de la découverte d’un bug est une bonne chose, et cette relative centralisation et réaction instantanée opérée par le noyau des développeurs permet d’éviter des catastrophes (toutes ?). Il se trouve que ces mécanismes d’intervention et leur existence sont quand même contraires à l’image qu’on donne presque toujours du Bitcoin qui serait une monnaie totalement décentralisée et sur laquelle personne n’a de pouvoir. Sur ces questions délicates, on lira :
Bitcoin Magazine – Bitcoin network shaken by blockchain fork
Bitcoin Wiki – Common Vulnerabilities and Exposures
Wikipédia – History of Bitcoin
The 9 Biggest Screwups in Bitcoin History
LE MINAGE A RÉELLEMENT QUELQUE CHOSE D’ABSURDE
Même si logiquement, il se justifie et constitue un élément important du protocole Bitcoin qu’on ne peut pas éviter ou réformer facilement, le minage des bitcoins est de l’argent jeté par les fenêtres. Des millions de dollars sont dépensés en électricité et en matériel spécialisés pour résoudre des problèmes mathématiques sans le moindre intérêt : inverser la fonction de hachage SHA256 ! Des solutions sont peut-être possibles. Il est réellement souhaitable que le Bitcoin se réforme sur ce point. Voir :
LIFL – Jean-Paul Delahaye – Preuve de Travail
CryptoCoinsNew – Bitcoin future proof of stake vs proof of work
Coin Telegraph – Permacoin turning bitcoin coin mining into a big wayback machine
ON NE SAIT PAS VRAIMENT QUELLE SOMME EN BITCOIN PERSISTE RÉELLEMENT
Quand on évalue la capitalisation totale des bitcoins (CoinMarketCap) on calcule qu’il y en aujourd’hui pour environ 6 milliards de dollars. Pour ce calcul, on fait l’hypothèse que tous les Bitcoins émis sont encore accessibles. En réalité, parmi les bitcoins émis depuis 2009, certains sont devenus inaccessibles et doivent être considérés définitivement perdus : ils le sont si le système de signature résiste indéfiniment aux attaques mathématiques (évoquées plus haut) ; ils le sont aussi si le système de signature s’écroule car alors plus rien ne vaudra rien. Ces bitcoins définitivement perdus sont sans doute assez nombreux. En effet, au départ de l’histoire des bitcoins, beaucoup ont été négligés : ils ne valaient rien. Nombreux sont aussi les détenteurs de bitcoins qui par maladresse ou malchance ont perdu leur clef secrète : parfois à cause d’un « atterrissage » de disque dur, parfois parce qu’ils ont jeté leur ordinateur sans réaliser qu’il jetait aussi l’argent du porte-monnaie stocké sur le disque dur. Une anecdote sur ce sujet :
01net – Il a jeté son disque dur à la poubelle et perdu 7500 bitcoins
Contrairement aux trésors enterrés dans les jardins ou cachés dans les greniers et qu’on retrouve un jour ou l’autre presque tous, les bitcoins perdus le sont définitivement. Finalement, il règne une assez grande incertitude sur le total de bitcoins encore réellement « vivants ».
L’ANONYMAT DE SATOSHI EST UN GRAVE PROBLÈME
Le fait de ne pas savoir qui est Satoshi Nakamoto nuit terriblement au Bitcoin. Comment faire confiance à un système dont on ne connaît pas l’inventeur (sur lequel on peut faire toutes sortes d’hypothèses) et qui reste obstinément caché, ayant vraisemblablement réussi à capter une part importante de la richesse crée. On a évalué à 10% la part de bitcoins dont disposerait l’inventeur du système.
Bitslog – The well deserved fortune of Satoshi
Certains pensent même que Nakamoto est une création de la NSA :
Silicon Angle – Did the NSA create Satoshi Nakamoto ?
Espérons qu’il finira de lui-même par faire connaître sa véritable identité. Il rendrait service à ceux qui travaillent au développement des monnaies cryptographiques, et cherchent à construire la confiance autour d’elles.
LE BITCOIN EST TRÈS INÉGALITAIRE
Les premiers arrivants disposent d’une part vraiment importante des Bitcoins. Notre monde économique est aujourd’hui très inégalitaire (voir à ce sujet les travaux de l’économiste Thomas Piketty qui a étudié ce problème avec soin ), mais si le Bitcoin s’imposait comme monnaie internationale (ce qui exige que sa valeur soit encore multipliée par 100) alors ce serait pire.
On a en effet calculé que moins de mille personnes détiennent la moitié des bitcoins, ce qui signifie aussi qu’un petit nombre de détenteurs peuvent influer fortement sur les cours, ou même les manipuler. Voir :
Business Insider – 927 People own half of the bitcoins
Forex – Qui osera dire après cela que le Bitcoin n’est pas un marché manipulé ?
Une telle répartition des bitcoins n’est pas nécessairement nuisible au bon fonctionnement général du protocole et à sa robustesse, car ceux qui disposent de grandes quantités de bitcoins entre leurs mains ont intérêt à ce que les bitcoins gardent leur valeur ou en prennent encore plus. On peut donc imaginer qu’ils vont —et peut-être que c’est le cas aujourd’hui — jouer le rôle de régulateurs, assurant le maintien et une meilleure stabilité des cours. Si c’est le cas, le contrôle sur les monnaies exercé aujourd’hui par les États sera, dans le cas du Bitcoin, passé aux mains de quelques personnes privées.
LE POTENTIEL LE PLUS GRAND DU BITCOIN EST PEUT-ÊTRE DANS LES OPÉRATIONS NOUVELLES QU’IL PERMET ET QU’IL EST LE SEUL À PERMETTRE
Le protocole Bitcoin autorise des opérations plus complexes que le simple transfert. C’est peut-être son véritable avenir et sa force potentielle la plus grande. Car s’il sait faire ce que les autres ne savent pas faire, alors il aura en lui-même le pouvoir de développement qui lui assurera de persister. Voir :
Frenchweb – Bitcoin day – Le Bitcoin bien plus qu’une monnaie
Contrepoints – Le Bitcoin plus qu’une simple monnaie d’échange ou valeur refuge
Vice Motherboard – Bitcoin could change voting the way it’s changed money
Slate – Bitcoin protocol could help improve copyright
Le Monde – Pourquoi les économistes devraient être intéressés par le Bitcoin
Crédit Image : Jason Benjamin
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