Tout au long de l’année 2015, les plateformes d’échange, les mineurs et plus globalement, les entreprises et particuliers de l’écosystème Bitcoin ont reçu des lettres émanant de grandes banques australiennes.
Le message ? Assez similaire, selon l’établissement qui l’envoie : Votre banque vous retire l’accès à votre compte pour des raisons de « mauvaise utilisation » et va procéder à sa clôture. Ne donnant pas plus d’explications que cela aux victimes de cet abus, les professionnels du secteur craignent que ce genre de procédure abusive se pratique dans d’autres pays.
Nos membres ont été incapables d’obtenir des éclaircissements formels sur les raisons de ces clôtures de comptes, à l’exception des références faites aux politiques d’utilisation ou aux « risques » encourus, sans bien sûr savoir précisément de quels politiques ou risques il était question. Précisait déjà en septembre 2015, Ron Tucker, l’ex-président de l’Association Australienne du commerce et de devises numériques.
Une forme de collusion ?
Il semblerait y avoir une coïncidence étonnante dès lors qu’un certain nombre de grandes banques décident de refuser leurs services à l’industrie naissante du Bitcoin et plus globalement aux opérateurs de devises numériques.
C’est ce que déplore le sénateur Matthew Canavan dans une lettre envoyée à la Commission Australienne de la Concurrence et de la Consommation (ACCC) avant de demander à ce qu’une enquête soit faite à propos d’une éventuelle forme de collusion entre les banques commerciales et visant à étouffer une « concurrence » potentielle.
Le sénateur du parti travailliste, Sam Dastyari, qui a présidé le Comité des devises numérique devant le Sénat, a également laissé entendre son point de vue :
Je suis préoccupé par cette allégation selon laquelle, les banques australiennes sont délibérément en train d’étouffer les petites entreprises, alors qu’elles cherchent de plus en plus à offrir des services équivalents et construisent toute des solutions Blockchain pour leurs propres affaires.
Cependant, le président de l’ACCC, Rod Sims, a répondu par voie de presse au sénateur Cananvan et selon lui, les Banques commerciales n’ont pas de tords imputables du fait qu’elles ont individuellement décidé de ces mesures afin de garantir leur capacité à respecter leurs obligations réglementaires… mêmes un poisson s’y noierait.
Depuis le début de l’année 2016, pas moins de 20 entreprises se sont donc retrouvées sans comptes. Et pour couronner le bulletin de santé de l’écosystème australien, le 9 mars, Bitcoin Group Ltd.(société de minage) a annoncé avoir retiré sa demande d’introduction en bourse après avoir échoué à répondre aux exigences de l’Australian Securities Exchange (ASX).
L’ASX qui travaille elle-même sur l’implantation d’une Blockchain pour mieux gérer ses opérations, réclamait à Bitcoin Group Ltd, un rapport sur ses fonds de roulement émis par un cabinet comptable indépendant. Et même si dans l’intention, on peut trouver dans la démarche de l’ASX quelque chose de tout à fait louable, il faut garder à l’esprit que ce rapport n’est normalement jamais demandé aux entreprises souhaitant être introduites sur le marché boursier du « continent rouge ». Par ailleurs, il a été prouvé par un cabinet d’audit indépendant que la société de minage avait un fonds de roulement suffisant pour atteindre les objectifs qu’elle a fixé à ses investisseurs (6 millions de dollars australiens ont été levés lors de l’IPO) sur une période de 12 mois, et cela sans prendre en considération les effets du « Halving » (division par deux du nombre de bitcoins émis par le réseau) sur le cours.
Cette situation provoque une certaine incompréhension chez les acteurs incriminés qui sont encore à se demander si les banques tentent de les faire sortir d’un marché porteur ou si elles anticipent des régulations de la Reserve Bank of Australia.
Quoi qu’il en soit, ce bras de fer entre la naissante et gênante industrie du Bitcoin et les banques pourrait se solder par une inversion des rapports de force car dans le cas où les 4 plus grands établissements bancaires australiens décident toujours de discriminer les entreprises du Bitcoin simplement à cause de la nature de leur activité. Des établissements plus petits pourraient alors saisir l’occasion d’accueillir ces nouveaux acteurs dont leurs rivaux ont si peur.
Bref, une affaire que nous suivrons de près, et qui n’est pas sans rappeler le litige qui opposait le CIC à la société francilienne Macaraja en 2011.