Juridique – Le Coin Coin https://le-coin-coin.fr Informations, réflexions, contenu francophone sur le sujet des monnaies décentralisées dont le bitcoin. Un magazine sans pub crypto, blockchain et économie. Wed, 20 Nov 2024 21:40:39 +0000 fr-FR hourly 1 69367527 Interview du député Pascal Terrasse https://le-coin-coin.fr/4880-interview-de-pascal-terrasse/ https://le-coin-coin.fr/4880-interview-de-pascal-terrasse/#comments Wed, 07 Sep 2016 08:37:49 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=4880 Pascal TERRASSE a accepté de répondre à nos questions relatives à l’économie collaborative et les blockchains. Député de l’Ardèche, il a remis le 8 février 2016 un rapport sur les enjeux de l’économie collaborative. Ce rapport qui comprend 19 propositions et se fonde sur de nombreuses auditions et sur une large consultation en ligne, conclut […]

Cet article Interview du député Pascal Terrasse est issue du site Le Coin Coin.

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Pascal TERRASSE a accepté de répondre à nos questions relatives à l’économie collaborative et les blockchains. Député de l’Ardèche, il a remis le 8 février 2016 un rapport sur les enjeux de l’économie collaborative. Ce rapport qui comprend 19 propositions et se fonde sur de nombreuses auditions et sur une large consultation en ligne, conclut la mission qui lui avait été confiée par le Premier ministre en octobre dernier.

Quelles sont les suites de votre Rapport sur le développement de l’économie collaborative? Qui a participé à l’élaboration de ce rapport ?

Il s’agit d’un rapport commandité par le Premier ministre, à vocation interministérielle, ayant pour objectif de répondre à une thématique précise qui relève des enjeux de l’économie collaborative afin de nourrir plusieurs textes de lois. Au départ, il y avait le texte de loi sur les nouvelles opportunités économiques que devait porter Emmanuel Macron et en même temps le texte de loi porté Myriam El Khomri sur la réforme du droit du Travail.

Depuis les choses ont évolué, le texte de loi devrait nourrir à la fois le texte de loi porté par Axelle Lemaire et une partie portée par Myriam El Khomri sur ce qui relève du droit du travail et une partie plus fiscale portée par le texte de Michel Sapin (Loi Sapin) présenté au mois de juin prochain sur le collectif budgétaire.

Les véhicules juridiques qui serviront à proposer par voie législative le rapport seront donc composés de trois textes. Les 19 propositions de ce rapport doivent servir d’inspiration afin de nourrir plusieurs projets de lois.

Le rapport a été élaboré avec l’aide d’un inspecteur général de l’action sociale et d’une inspectrice générale des finances. Cependant la méthode de participation à ce rapport a été assez collaborative puisque j’ai fait appel à la plateforme « Parlement et citoyens » pour que son texte soit nourri d’une information citoyenne. Il y a eu 250 contributions de citoyens qui ont pu prendre part au débat à travers un site collaboratif. Finalement, j’ai organisé plus de 70 auditions de professionnels de l’économie collaborative, des administrations et des organisations syndicales.

A partir de toutes ces réflexions, j’ai condensé toutes ces participations et organisé des propositions qui me paraissaient être les plus adaptées à l’économie collaborative. 

Est-ce que vous aviez des affinités particulières à l’économie collaborative ou tout simplement le monde du numérique ?

Je suis rentré dans ce dossier vierge de toute arrière-pensée et j’étais affranchi de mon environnement et libre dans mes appréciations. Cela m’a permis d’avoir suffisamment de recul dans le cadre de cette réflexion. De par mon action de Président du Conseil général de l’Ardèche, j’ai été nourri par les réflexions d’un ancien directeur de France télécom, Jacques Dondoux, l’inventeur du GSM, qui m’avait dit que l’économie numérique allait révolutionner l’économique traditionnelle. Très tôt, il m’avait expliqué qu’il fallait désenclaver notre département par la fibre optique. J’ai donc été le premier Président de Conseil général à mettre en place un réseau public de fibre optique de manière à faire en sorte que la fracture numérique en milieu rural soit atténuée par l’action publique.

Pensez-vous que les pouvoirs publics ont les capacités de répondre à ce type d’économie nouvelle, créatrice de progrès, et est-ce que les lois n’ont pas toujours un « train de retard » face au progrès technologique. Est ce qu’il y a vraiment des solutions concrètes ?

Il faut partir du principe suivant : le temps économique est toujours plus rapide que le temps politique. Or, quand on parle d’économie numérique on est dans un temps qui est supersonique, on aura toujours un train de retard. C’est la raison pour laquelle je préconise dans mon rapport la mise en place d’un observatoire de l’économie collaborative ayant pour vocation d’anticiper les évolutions de ce secteur et qui pourrait au fil de l’eau produire éventuellement de la législation de manière à accompagner cette économie nouvelle.

Je pense qu’il ne faut pas brider l’économie collaborative ou la sur-réglementer au risque de l’abimer. C’est un écosystème en devenir, on est dans une transition économique que l’on pourra évaluer à la fin. Plutôt que de laisser faire les choses, il faut les anticiper et les accompagner. Et, pour les accompagner cet observatoire, qui comprendrait des responsables politiques et acteurs de l’économie collaborative ainsi que des administrations, serait un lieu de débat pour anticiper les évolutions puisque l’on sait que cette économie va disrupter l’ensemble de l’économie.

L’économie collaborative est une économie qui va contourner l’économie traditionnelle et qui a vocation, non pas à l’abimer, mais à la régénérer, à inventer de nouveaux modèles économiques. Les responsables économiques ont intérêt à se préoccuper de ces enjeux modernes qui remettent en perspective un nouveau mode de pensée dans nos organisations et les principes mêmes de production. C’est pourquoi adapter les règlements à ces nouvelles formes d’économie permettra à la France de demeurer une terre de création, une terre d’entreprenariat qui conserve sa compétitivité face au reste du monde.

En quelques sortes, s’agit-il de ne pas tomber dans le piège de Hadopi qui était assez répressif, qui venait après la démocratisation du téléchargement illégal ainsi que des plateformes privées légales, et au contraire chercher à ce que l’Etat anticipe et soit une partie prenante et non un Etat policier ?

Bien sûr, l’idée est d’anticiper les évolutions économiques dans tous les secteurs et non pas d’avoir une vision segmentée de l’économie. On sait que l’économie collaborative s’inscrit dans un champ très large qui touche toutes les activités.

Le premier secteur qui a été touché par l’économie collaborative est le secteur de la création artistique avec la loi Hadopi. Des jeunes ont d’abord créé des réseaux d’échange de musique en pair-à-pair. Ils ont ensuite basculé vers un système où ils ne souhaitaient plus être propriétaires de disques mais propriétaires d’un usage de la musique, qui sera développé par Spotify ou Deezer.

Lorsque l’on regarde le passé, on a eu Hadopi, les problèmes d’hier et d’aujourd’hui qui sont posés par Uber, et actuellement la problématique d’Airbnb. On voit que l’économie collaborative va toucher tout type d’activités et pas seulement le tourisme ou le transport. L’idée que je préconise est que la France doit avoir l’agilité d’une start-up dans son organisation et faire en sorte que ce secteur émergent soit accompagné pour le valoriser et pour permettre à l’économie traditionnelle de faire sa mutation. Car l’économie traditionnelle, soit elle s’inscrit dans une logique d’opposition frontale  à cette économie numérisée, soit elle s’adapte et s’organise. Au fond, le plus bel exemple est Uber, si la gestion des taxis traditionnels s’était intéressée à la géolocalisation, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui. Il ne faut jamais brider un service ou une action moderne et nouvelle. Ce serait comme dire que l’on est contre l’électricité au moment où celle-ci a été créée. Le progrès nous rattrape toujours.

Le pair-à-pair est un système résilient par essence. Et aujourd’hui, toutes les relations  qui ne sont pas dans le pair-à-pair, mais qui sont en CtoC, en BtoC, s’imposeront à nous dans tous les cas, puisque l’on ne bloquera jamais les réseaux internet. Ma définition au fond du rôle politique est à la fois l’anticipation et l’accompagnement mais surtout pas des prises de décision qui interviennent trop tard et qui seraient contraires à une économie ouverte dans un monde ouvert.

Seriez-vous capable de définir de manière concise ce que l’on peut entendre par économie collaborative ?

Définir l’économie collaborative est très difficile et cela fait partie de la mission qui a été la mienne. En réalité, c’est un concept qui a été inventé il y a une trentaine d’années et qui reposait sur les services locaux (communément appelés par leur acronyme SEL). A l’origine, cette économie est très territorialisée et ne s’appuie pas sur le numérique, il s’agit d’une économie de l’échange et du troc qui a vocation à créer du service.

Néanmoins, l’avènement des plateformes numériques a massifié cette économie par l’avènement du digital. Dans ma définition, l’économie collaborative, ce n’est surtout pas l’Ubérisation de la société, mais d’abord un moyen qui permet à travers l’intermédiation d’une plateforme de faciliter l’acte d’échange, de troc ou de service. Ce que je relève dans l’économie collaborative, c’est que l’on change de paradigme dans le cadre d’une prestation, où pendant très longtemps le producteur vendait un bien. Aujourd’hui on est plus sur une valeur d’usage. C’est plutôt la mise à disposition par un prestataire d’un service, d’un usage intermédié par une plateforme numérique. Voilà comment je définirais le dispositif en sachant que je fais la différence entre l’acte professionnel et l’acte d’un particulier. On peut en effet avoir un producteur consommateur qui est un particulier mais il peut y avoir aussi un producteur de service qui est professionnel.

Ne pensez-vous pas que les intermédiaires sont voués à disparaitre puisqu’ils exercent une certain prédation économique ? Lorsque l’on voit des technologies comme la blockchain qui permettent de s’affranchir de cette intermédiaire, la finalité de l’économie collaborative n’est-elle pas de se passer totalement d’intermédiaire ?

En réalité, je n’aborde que très peu la blockchain dans mon rapport. C’est l’étape suivante puisque l’économie collaborative n’aura qu’une durée limitée et que l’on arrive maintenant à des systèmes de « communs » qui appartiennent à tout le monde et se mettent en place petit à petit. Au fond, le plus bel exemple est Wikipédia, qui est un « commun », dont la valeur est créée par l’utilisateur et celui qui va contribuer à l’enrichissement de l’information. Demain, en réalité, il y aura des plateformes qui seront des « communs » et qui appartiendront autant aux producteurs de biens qu’aux consommateurs.

Je pense que les premiers à être disruptés ou ubérisés seront les plateformes telles qu’Uber notamment par une blockchain commune qui appartiendra aux utilisateurs : les taxis, mais aussi demain des clients, qui pourront eux-mêmes enrichir la plateforme sans intermédiation. L’économie collaborative a tué les intermédiaires économiques et la blockchain va tuer l’intermédiation.

En fait c’est un système transitoire du fait de l’arrivée à venir de ces « communs ». Mais ce sont des notions assez compliquées à comprendre lorsque l’on n’est pas initié. On en mesurera les conséquences dans deux ou trois ans, et l’on ne parlera sans doute plus d’économie collaborative mais de blockchain. Il y aura des systèmes de paiement avec des monnaies qui seront virtuelles, où l’on pourra vendre des biens, des services avec une sécurité redoutable puisqu’organisée par la communauté. On sera donc sur des systèmes très communautaires.

En tout état de cause, je suis favorable à l’accompagnement de tous ces changements. Mais en termes économiques, nous parlons là des « premiers habitants sur Mars ». Quand j’explique dans des colloques que l’économie collaborative disrupte l’économie automobile puisqu’aujourd’hui on est simple propriétaire d’usage grâce aux activités de partage de véhicule, où que j’explique que demain il sera possible pour les particuliers d’imprimer des moteurs de voitures sans permis avec des imprimantes 3D, les gens ne me comprennent pas forcément. Cela a par le passé été le cas de celui qui m’avait expliqué que j’aurai un jour un smartphone avec autant de microprocesseurs qu’il y en avait lorsque Soyouz est allé sur la Lune.

Il faut aujourd’hui avoir cette vision de ce que sera la société dans 30 ans et la blockchain sera l’évènement majeur qui va changer la relation que l’on a avec l’économie. D’ailleurs cela changera la relation que l’on a avec le fort et le faible. Quand on est consommateur, on est toujours affaibli par rapport à la production d’un bien. On sera là dans une forme d’égalité. Il y a dans l’économie collaborative cette idée de changer la nature des rapports de force, et c’est aussi une forme d’organisation d’une société vers une sobriété volontaire. On va organiser cette sobriété puisque cette économie sera source d’énergie, de matières premières ou l’épuisement de l’obsolescence programmée pour l’instant créatrice de valeur boursière. On est dans un changement de paradigme pas seulement productiviste et économique mais aussi sociétal. Ceux aujourd’hui qui commencent à regarder ces sujets-là permettent l’ouverture d’un débat politique fabuleux. Ce qui est également important, c’est que l’on va changer nos modes d’organisation. On est actuellement dans une logique verticale, très corporate concernant les rapports de force. Là, nous sommes dans une logique d’organisation horizontale : c’est le collectif qui amène la force, chacun aura une contribution à améliorer un dispositif. On sera donc sur des organisations beaucoup plus horizontales et les sociétés qui n’ont pas compris ce changement majeur auront de grandes difficultés demain à faire des recrutements et à inventer le futur.

Nous avons bien saisi la liberté que peut apporter l’économie collaborative mais si l’on revient sur des sujets plus juridiques tels le droit du travail, certaines difficultés semblent exister. En ce sens, y a-t-il des risques relatifs à l’absence de reconnaissance de ces acteurs par le droit du travail ?

La génération de mon père, qui a vécu l’ère industrielle et les Trente glorieuses, avait une vision : la formation pour le travail toute une vie dans une seule et unique entreprise. Ma génération, à savoir les années 1980, avait une vision différente : la nécessité de flexibilité dans le travail afin de pouvoir convenir à plusieurs employeurs, adapter sa formation aux différentes situations. La génération du jeune d’aujourd’hui est encore différente. En plus de ne pas avoir un travail permanent dans la même entreprise, il sera en réalité un acteur, un producteur de richesses, de valeurs, mais avec des statuts très différents. Une partie de la journée ou de la semaine, il sera salarié et à d’autres moments il sera indépendant ou prestataire. Il s’agit d’une situation à la fois intellectuellement intéressante mais également très insécurisante pour ce jeune.

C’est pourquoi, il faut que la puissance publique adapte des sécurisations utiles et nécessaires à ces acteurs. Tout d’abord, il faut faire vivre le Compte Personnel d’Activité, qui est un compte permettant la protection sociale non pas en fonction de la nature de l’activité mais de l’individu. Et de même, dans la perspective d’un débat politique à venir, il faudra ouvrir la possibilité d’un revenu universel de manière à sécuriser l’ensemble des acteurs économiques ayant des statuts différents.

Je suis favorable à terme à l’idée non pas de créer un statut particulier pour les acteurs de l’économie collaborative, tel que cela m’a été demandé, au risque de se trouver dans une situation où l’on licencie ses propres salariés pour les envoyer vers un statut low-cost. Je suis plutôt dans la logique de préconiser la convergence des droits sociaux entre indépendants et salariés, alors qu’en France on a à peu près 90% de salariés.

Pensez-vous que l’on est face à des personnes qui sont de fait salariés, qui seraient peut-être juridiquement reconnus salariés, mais qui sont pour l’instant dans le statut parfois précaire d’auto-entrepreneur ?

La véritable précarité, c’est le chômage chez les jeunes aujourd’hui. En réalité ce que nous disent ces jeunes chauffeurs, c’est que l’on préfère ça à la véritable précarité puisque de nombreux chauffeurs sont issus des banlieues et des lieux où le chômage est le plus élevé chez les jeunes. Ces jeunes préfèrent cela à la véritable précarité qui est l’inactivité. En réalité, derrière ces jeunes qui se sont engagés dans l’auto-entreprenariat et qui font beaucoup d’heures en gagnant peu leur vie, il y a cette ambition de pouvoir réussir. Il s’agit d’un premier pied à l’étrier dans l’activité. Parce que ces jeunes souvent issus de milieux modestes n’ont pas accès aux stages, aux premiers emplois, cela leur permet de se sociabiliser avec la vie du travail et d’améliorer leur ordinaire pour faire autre chose.

Donc, il vaut mieux voir cela comme un premier pas dans la vie active, mais en même temps, ce que je dis dans mon rapport c’est que la précarisation existe. Il faut faire attention sur le lien de subordination : on est dépendant économiquement d’une plateforme mais également dépendant d’une coopérative, ou d’autres secteurs d’activité. Il faut être prudent sur ce lien de subordination, et moi je laisse ce sujet à l’appréciation du juge. Pour le moment le lien de subordination dépend du contrat de travail, et quand je vois à quel point il est difficile de modifier le code du travail, je me demande quel responsable politique sera capable de le faire.

Je ne suis pas convaincu aujourd’hui qu’un chauffeur Uber qui a le choix de son lieu de travail, le choix de ses horaires de travail et clients soit considéré comme un salarié normal au titre d’un contrat de travail traditionnel. Car si l’on considère que quelqu’un qui travaille quand il souhaite et qui organise son activité comme il le sent, ce qui vaut pour un chauffeur Uber vaut pour n’importe quel salarié en France.

Comment appréhender les cas de concurrence déloyale que les professionnels revendiquent notamment lorsqu’ils sont tenus d’obligations imposées par la loi contrairement aux particuliers proposant des services similaires ?

Je suis sensible à la concurrence déloyale. Car certaines obligations existent pour les professionnels, notamment en termes de normes de sécurité. Ce qui n’est pas forcément le cas pour les particuliers qui  louent leur appartement sur une plateforme. Vous ne pouvez pas demander le même niveau de prestation chez un particulier que chez un professionnel.

Si aujourd’hui vous êtes considéré comme un loueur de meublés pour touristes, vous devez payer la fiscalité normalement. Si, en revanche, vous louez votre résidence principale à titre occasionnel, vous n’entrez pas dans ce champ concurrentiel. Il faut distinguer ce qui relève d’une action qui va occasionnellement mettre à disposition une prestation d’un professionnel.

C’est pourquoi, mon rapport ne crée aucune taxe nouvelle. Il ne fait que rappeler la loi. Il va même plus loin et demande à l’administration de faire du rescrit fiscal puisque certains secteurs sont mal mesurés. Il y a un besoin que l’administration fiscale nous donne des informations lisibles sur le droit fiscal, ce qui pour le moment est très compliqué. Par exemple sur le prix d’un véhicule, on sait que l’amortissement est en moyenne de 6 000 euros par an. Chaque Français peut donc en théorie défalquer de son impôt sur le revenu cette somme. Si les gains de la location de votre véhicule accumulés sur une année sont inférieurs à 6 000 euros, on peut considérer que vous êtes dans l’économie du partage et, à ce titre, vous ne pourrez pas être fiscalisé. En revanche, si vous en tirez plus de 6 000 euros de gains annuels, vous êtes considéré comme un loueur de véhicule et devrez vous acquitter de l’impôt sur le revenu en conséquence. Ce que je reproche au système actuel, c’est que l’on a des professionnels qui habilement se sont glissés dans l’économie collaborative pour échapper à toute norme et toute fiscalité.

Pour terminer, pensez-vous qu’il est possible pour l’état français de lutter contre la défiscalisation des entreprises facilité par la dématérialisation des activités concernées ?

C’est un sujet qui ne relevait pas au départ de ma mission pour ce rapport. En réalité, l’ère numérique a mis en évidence des sociétés multinationales qui font de l’efficacité fiscale une source de revenus non négligeable (Google ou Amazon par exemple). Ayant leur siège fiscal dans des paradis fiscaux, elles ne paient donc pas ou très peu d’impôts.

D’une manière générale, les Etats ont bien compris qu’aujourd’hui il y a une grosse partie de la fiscalité qui leur échappe. Le G20 à Antalya en Turquie l’an dernier a convenu que l’accord BEPS de l’OCDE devait se mettre en place, ce qui est très important. En réalité ce que les Etats du G20 ont convenu c’est que chaque entreprise, dans le cadre des accords de l’OMC, devra payer ses impôts dans l’Etat où elle exerce son activité. C’est un accord qui devra avoir une portée internationale. Néanmoins, il faudra peut-être deux ou trois ans avant sa mise en place. Cette volonté est aujourd’hui exprimée, et dans mon rapport, j’indique qu’il faut que le Gouvernement français soit un acteur plein et total de manière à ce que des décisions multilatérales soient prises dans les meilleurs délais.

Il faut cependant être prudent. Comme toujours, nous regardons notre économie avec l’œil qui nous concerne très directement. Par exemple, Google qui ne paie pas ses impôts en France. Il ne faut pas oublier que des établissements français ont des activités à l’étranger et, pour certaines, ne paient pas leurs impôts à l’étranger. Ainsi, ce que nous allons gagner d’un côté, nous risquons de le perdre de l’autre. Si l’on prend par exemple Le Bon coin, entreprise finlandaise, dont le siège fiscal est en France et qui a des activités en Suisse. Il s’agit d’une entreprise qui paie l’intégralité de ses impôts en France aujourd’hui et qui sera demain amenée à payer ses impôts partout ailleurs. Le montant collecté par l’Etat français au titre de l’impôt sera plus faible car Le Bon coin sera obligé de déclarer ses revenus dans chaque pays et de payer la fiscalité en conséquence. Nous serons donc perdants.

Dans tous les cas, ce système sera plus équilibré. Pour l’opinion publique, il y a un besoin d’un discours véritable sur la transparence fiscale. On voit par exemple qu’Airbnb a son siège social en Irlande et que celui d’Uber est aux Pays-Bas. Tous deux font de l’efficacité fiscale un moteur de leur croissance, ce qui n’est pas acceptable et pas compréhensible par l’opinion publique.

Propos recueillis en Mai en collaboration avec Florent GASSIES, Elève avocat, dans le cadre de la revue des élèves avocats : le Baromaître. (numéro 3 de Juin 2016)

Crédits photo : CLEMENS BILAN/AFP

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La Blockchain au Club Parlementaire des Nouvelles Révolutions Industrielles https://le-coin-coin.fr/4677-blockchain-club-parlementaire-nouvelles-revolutions-industrielles/ https://le-coin-coin.fr/4677-blockchain-club-parlementaire-nouvelles-revolutions-industrielles/#comments Wed, 29 Jun 2016 21:27:26 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=4677 Hier soir, le 28 juin 2016, le Cercle du Coin était convié, j’y ai représenté l’association, au dîner du Club Parlementaire des Nouvelles Révolutions Industrielles avec un débat sur les enjeux de la Blockchain. Après un apéritif permettant de faire connaissance et de naviguer entre les visages, nous nous sommes mis à table, le repas […]

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Hier soir, le 28 juin 2016, le Cercle du Coin était convié, j’y ai représenté l’association, au dîner du Club Parlementaire des Nouvelles Révolutions Industrielles avec un débat sur les enjeux de la Blockchain. Après un apéritif permettant de faire connaissance et de naviguer entre les visages, nous nous sommes mis à table, le repas constituant le coeur de l’évènement, dans un salon de la Maison de l’Amérique Latine à Paris.

Apéritif Blockchain
L’apéritif dans les jardins de la maison de l’Amérique Latine.

À la table d’honneur, nous trouvions Madame Laure de La Raudière, députée LR d’Eure-et-Loir et Monsieur Olivier Faure, député PS de Seine-et-Marne, tous deux organisateurs de l’évènement. Mais aussi trois intervenants : Pierre Noizat, Henri d’Agrain et Primavera de Filippi. Avant même que l’on ne serve l’entrée, cette table a commencé à animer le débat en présentant rapidement la blockchain et les possibilités qu’offre cette architecture de réseau.

Après une intervention de chacun sur cette table d’honneur, la parole est passée à la salle, dans un jeu de questions réponses qui était selon Olivier Faure le plus rythmé depuis la création du club. On a réellement pu voir un engouement sur les questions relatives à la Blockchain. Ainsi se trouvaient dans la salles de nombreux institutionnels : députés, sénateurs, collaborateurs parlementaires, représentants d’organisme public comme la BPI ou la Caisse des Dépôts etc.. Et de l’autre côté des acteurs privés comme Cisco et des acteurs de l’écosystème blockchain comme le Cercle du Coin, Ledger, Paymium, Belem et d’autres.

Sur la quarantaine de personnes présentes, près d’un cinquième ont participé au débat en posant une question, et ces questions étaient très diverses. Il y a eu les habituels problèmes d’abstractions auxquelles la blockchain nous oblige à faire face, sujet sur lequel Pierre Noizat a clairement rappelé qu’il ne faut pas parler de technologie blockchain mais bel et bien nommer les choses par leur nom, comme Bitcoin.

Il a été difficile de passer à côté d’une petite boutade sur M. Bernard Debré et ses envies meurtrières du moment envers Bitcoin. Puis est venue la question de la fiabilité : les craintes sont présentes notamment depuis l’histoire de la DAO. À ce sujet, les intervenants sont bien revenus sur le fait que la blockchain d’Ethereum n’avait pas été touchée et que l’exécutant avait simplement joué avec les règles du smart contract.

Beaucoup de palabres ont tourné autour d’une possibilité pour l’État d’utiliser des réseaux publics pour des fonctions notariales. Avec notamment de l’incompréhension parfois entre l’aspect monétaire des tokens de la blockchain et leur valeur probatoire. On sent tout de même un certain consensus sur le fait de reconnaître un caractère probatoire à la blockchain. Encore faut-il la nommer.

La dématérialisation fait aussi un peu peur dans le cas du vote. Certains élus voyaient une désertion totale possible des lieux de vie de la communauté si tout le monde reste dans son coin pour effectuer toutes les démarches. Mais cette inquiétude n’est pas forcément fondée car dans un premier temps tous les français ne sont pas à l’aise avec un ordinateur et internet. Il y a donc fort à parier qu’il devra y avoir du soutien dans les Mairies (c’est bien ce que nous ressentons lors des journées organisées par les « Villes Internet » dont notre « Cercle » est partenaire) et dans un second temps le lien avec le monde physique devra forcément passer par des repères public permettant de vérifier l’intégrité des données sur le réseaux.

Au total, c’est dans un climat d’échange courtois que s’est déroulé le repas. Si l’on en croit l’attention portée à ce que les personnes prenant la parole parlent dans le micro, il devrait y avoir un enregistrement de cette soirée. Je ne peux vous garantir cependant que celui-ci sera public. S’il fallait conclure, je dirais qu’il y a un véritable désir de comprendre le phénomène et l’écosystème blockchain chez une part des institutionnels et de ne pas refaire les mêmes erreurs qu’avec le minitel. Même si tous les députés ne sont pas forcément sur cette ligne, ceux qui s’engagent dans cette voie sont réellement dans un désir d’échange et d’écoute entre les différents acteurs et partis de sorte à appréhender le mieux possible ce nouveau paradigme pour que la France puisse être au premier plan mondial dans ce domaine.

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Le puzzle Blockchain : finance, régulation et politique https://le-coin-coin.fr/4509-puzzle-blockchain/ https://le-coin-coin.fr/4509-puzzle-blockchain/#comments Mon, 06 Jun 2016 14:04:34 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=4509 Après l’Ordonnance Macron du 28 avril, l’amendement présenté le 13 mai par Madame Laure de La Raudière, députée de la 3ᵉ circonscription d’Eure-et-Loir, est un second épisode de l’intervention des politiques français dans l’institutionnalisation de la « technologie blockchain ». Madame de La Raudière propose que les opérations effectuées au sein d’un système organisé selon un registre décentralisé permanent et infalsifiable de […]

Cet article Le puzzle Blockchain : finance, régulation et politique est issue du site Le Coin Coin.

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Après l’Ordonnance Macron du 28 avril, l’amendement présenté le 13 mai par Madame Laure de La Raudière, députée de la 3ᵉ circonscription d’Eure-et-Loir, est un second épisode de l’intervention des politiques français dans l’institutionnalisation de la « technologie blockchain ».

Madame de La Raudière propose que les opérations effectuées au sein d’un système organisé selon un registre décentralisé permanent et infalsifiable de chaine de blocs de transactions constituent des actes authentiques au sens du deuxième alinéa de l’article 1317 du code civil. L’Autorité des marchés financiers habilite le système répondant aux conditions de sécurité et de transparence définies dans un décret pris en conseil d’État.

Sa définition (un système organisé selon un registre décentralisé permanent et infalsifiable de chaine de blocs de transactions) est à comparer à celle de l’article 223-12 du CMF dans l’ordonnance Macron : un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces opérations, dans des conditions, notamment de sécurité, définies par décret en Conseil d’Etat. Le point commun, qui saute aux yeux, est évidemment de renvoyer au Palais Royal et à Bercy la charge de gérer la chose dans ses détails. Voir ici ce qu’est un décret en Conseil d’Etat.

Or les détails sont au coeur du sujet.

Quand on parle de la Joconde, il s’agit implicitement de celle de Léonard. Parler d’une Joconde, quelque soit son antiquité ou son originalité, nécessite de donner plus de précision.

Parler d’une blockchain sans expliciter si elle est (ou non) celle de Satoshi Nakamoto, c’est ouvrir la voie à la constitution d’une catégorie fourre-tout dans laquelle il ne sera pas dfficile de glisser des produits douteux.

Bien sûr, on peut faire comme pour l’omelette de la mère Poulard, dont chaque gargote du Mont Saint-Michel clame qu’elle a la recette originale : du moins chacune y met-elle quand même des oeufs ! Or ni Mme de la Raudière ni M. Macron n’entendent dire s’ils mettront des oeufs dans leur omelette ou des tokens intrinsèques dans leur blockchain (sans doute ne se l’interdisent-ils pas) et ils préfèrent donc aborder la chose par le résultat.

Pour l’instant ce que l’on sait de leurs blockchains tient donc principalement en quelques imprécisions.

D’abord elle doit être décentralisée (La Raudière) ou partagée (Macron). Le chiffre 2 étant la plus petite expression du pluriel, un registre distribué entre un établissement et sa filiale ad hoc serait partagé ; si en outre les deux noeuds sont à distance raisonnable (disons, de l’autre côté de la rue) on pourrait parler de décentralisation. Trêve de plaisanterie : une blockchain consortiale comblerait tous les voeux de ceux qui leur ont suggéré leurs rédactions.

Ensuite ledit système ou registre doit, pour Mme de la Raudière être permanent et infalsifiable. Si l’amendement ne dit guère comment sont obtenues ces caractéristiques adamantines, il va plus loin que l’ordonnance qui souhaitait simplement que la chose possédât un niveau de sécurité défini par décret. Mais c’est supposer le résultat acquis. Le registre sera sûr, effectivement, s’il est permanent (c’est dans le concept même de chaîne) et s’il est infalsifiable, tant de l’extérieur que de l’intérieur.

On peut intuitivement comprendre que le caractère infalsifiable de l’extérieur est fonction croissante du nombre de serveurs sur lesquels se trouve une copie du registre distribué et plus encore du nombre de validateurs. À la limite extrême (centralisation) on se retrouve avec le problème de l’étanchéité du silo.

Mais il y a aussi un risque de falsification de l’intérieur. Il est malséant, et probablement socialement risqué, de rappeler l’ampleur du scandale du Libor impliquant un nombre incroyable de banques, sur une très longue période. Que cela se soit conclu par des amendes ou (souvent) par des transactions avec « accord d’immunité », on n’a pas vu que cela ait remis en quoi que ce soit le coeur du système ni la prétention bancaire à exercer un rôle de tiers de confiance.

Or la blockchain-entre-amis confie à un consortium professionnel des tâches qui étaient auparavant assumées à côté, voire en surplomb, de la profession. C’est là qu’il est intéressant d’en venir à l’exposé des motifs présenté sur le site de Mme de La Raudière. L’amendement vise clairement (c’est écrit en gras) à donner un coup de pouce à la « Place de Paris » (sans définition) et plus spécifiquement à ses activités de post-marchés financiers comme celles liées à la conservation des instruments financiers et à la circulation de ces instruments.

On peut d’abord rectifier certaines illusions. Un des auteurs du site Bitcoin.fr (media membre du Cercle du Coin dont je suis le Secrétaire) a noté, sur le site même de Mme de La Raudière, plusieurs points techniques, que je recopie ici : la technologie blockchain est un protocole d’horodatage de preuve d’information mais pas de fichiers à proprement parler. On ne peut donc pas mettre en avant sa capacité de stockage. (…) Les actes ne seront jamais dans la blockchain, ce n’est pas fait pour ça. C’est la preuve par une empreinte numérique de ce document qui est ajouté dans la blockchain, l’empreinte numérique ne permet pas de recomposer le document d’origine (notion de hash cryptographique).

Ces choses-là doivent être inlassablement répétées. Il est curieux de voir comme le premier élément porté aux nues par les thuriféraires de la « technologie blockchain » est systématiquement l’horodatage (une révolution… du 19ème siècle, certes dans une version « centralisée ») avant que ne soit louée la possibilité de stocker sur la blockchain à peu près tout ce qui peut venir à l’esprit humain.

Au delà des illusions, il faut souligner certains risques.

Mme de La Raudière nous épargne les fameux 20 milliards (curieusement on cite toujours le point haut de la fourchette de 15 à 20 milliards avancés dans l‘étude de Santander, en page 15, qui agglomérait d’ailleurs des économies bien différentes). Je passe, puisqu’elle a le bon goût de ne pas en parler, sur le risque de voir les économies promises consister pour une bonne part en licenciements frappant un peu plus encore la classe moyenne supérieure au profit du big business. Mais le point qu’elle met en avant n’est guère plus rassurant : en quoi l’économie considérable de fonds propres nécessaires pour se livrer aux opérations de post-marchés est-elle censée délivrer un meilleur service ?

C’est un point commun à toutes les promesses bancaires sur la « technologie blockchain » que de pas même envisager ce qu’elle pourrait apporter aux clients. Largement issue des intuitions de Madame Blythe Masters (jamais évoquée publiquement, d’ailleurs), cette « technologie » risque d’en porter la marque de fabrique.

Quand Mme de La Raudière souhaite que les opérations de règlement livraison d’instruments financiers ou de devises dénouées dans un système de règlement (…) dont le fonctionnement utilise la technologie dite de la « blockchain » constituent des actes authentiques électroniques de la même manière que les actes passés devant notaires, ses derniers mots doivent être pesés. Certes le projet libertarien de Satoshi Nakamoto visait bien implicitement à éliminer le notaire, mais pas au nom d’un entre-soi de bonne société.

Depuis toujours, le notaire, que Quentin Massys représente vers 1515 avec de petits airs de Joconde, se tient habillé de noir (pas comme les seigneurs) et en surplomb. Et même les seigneurs, mêmes les rois, doivent passer leurs actes civils devant l’homme en noir.

Remplacer le notaire par un instrument précis, un bien commun et auditable, à la robustesse éprouvée depuis des années, serait une chose. Laisser aux seigneurs le soin de fixer les paramètres de « leur » technologie en est une autre, qui n’est pas dénuée de risques.

Lors du point presse de la Commission CSPPCE, le 16 mars,  le fondateur de ce site avait eu l’impertinence de demander à un représentant de la Caisse des Dépôts si les autorités n’envisageaient pas de statuer sur des normes techniques pour les blockchains de sorte à ce que la régulation puissent les encadrer précisément et suivant leur forme. Il obtint une fin de non-recevoir ; quant à la Commission il fut dit aussitôt qu’elle n’émettrait pas d’avis technique. Relire le CR de cette intéressante réunion…

Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de normes. Mais leur élaboration ne se fera pas en plein jour. On restera bien loin de l’esprit d’open source qui est la plus solide garantie de la blockchain du bitcoin. C’est d’ailleurs une conviction hautement clamée par M. Philippe Dewost (CDC) que le tiers de confiance va muter, sans disparaître. Dans cette conception, on n’a guère besoin que d’une base de données distribuée.

BiAudit et régulationen sûr, les autorités devront habiliter la procédure, et sans doute les hommes. Tel est le sens du mouvement actuel qui voit les régulateurs s’intéresser à la Fintech, se doter d’un guichet ad hoc et participer à diverses rencontres autour de la « technologie blockchain » (voir le blog de Patrice Bernard). D’après Maître Michelle Abraham, les services de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont été étroitement associés aux travaux sur l’ordonnance Macron. Mais peut-être fut-ce plutôt pour aménager la dérogation au monopole bancaire que pour fixer les paramètres de la future blockchain.

Maître Abraham précisait lors d’une récente conférence qu’un groupe de travail devrait déterminer la faisabilité d’un tel projet, afin notamment de garantir que la technologie est assez sûre et mature pour assurer la tenue d’un registre électronique distribué fiable, sécurisé et susceptible d’être audité.

Il y a de bonnes chances que le groupe de travail fasse la part belle aux futurs utilisateurs, et que nombre de régulateurs ne se forment comme (et en même temps que) les banquiers, au sein des mêmes rencontres, en écoutant les mêmes conférenciers (qui sont tous, par la force des choses, en recherche d’emploi ou de mission de consultant).

enfumageDans ces forums, le bitcoin est expédié rapidement, comme un ancêtre douteux ou un adolescent rêveur, avant que la tribune ne soit monopolisée par les prestidigitateurs de la « technologie blockchain », avec leurs promesses de cadastre au Honduras (qui n’y songerait plus) ou au Ghana (cela dépend), d’oeuvres d’art qui décident toutes seules de leurs coloris, de taxis qui choisissent tous seuls clients et itinéraires, et de milliards d’économies qui valent celles des discours électoraux.

Puis, quand l’esprit est tout troublé, montent à la tribune ceux qui se déclarent noblement agnostiques au sujet des paramètres technologiques et ceux qui assènent des arguments d’autorité en faveur de telle ou telle option qui a le mérite d’aller dans le sens de leurs intérêts.

Enfin le ministre arrive toujours en dernier, pour conclure la séance. Son discours, extrêmement vague, est fictivement considéré comme le clou de la journée et poliment applaudi par tous, hors de toute préférence partisane qui serait jugée incongrue. Au mieux son petit mot, tenant sur une feuille A4 relue dans la voiture, intègre les conclusions du précédent forum, au pire il est écrit par un membre de son cabinet sur la base d’informations fournies par un camarade de promotion faisant carrière dans la finance.

Il faut donc une incroyable dose de maladresse pour aller, comme Madame Le Pen, imaginer que le bitcoin est une invention de la grande banque ! Il est tellement plus simple d’attendre de savoir ce que ladite grande banque fera comme choix technologique…

Les choses iront lentement. Annoncée à coup de trompettes, l’ordonnance Macron donne un coup de jeune à un produit imaginé lorsque Camille Chautemps était président du Conseil, et offre une blockchain de nature inconnue aux plateformes (donc à des intermédiaires!) de crowdfunding qui ont su lui présenter leurs besoins. Cela s’appelle de la com’.

Avant que le big business, qui tourne tant bien que mal sur de vieux programmes patchés de partout ne soit basculé sur une techno encore en preuve de concept, on en saura davantage sur les merveilleuses découvertes du R3 CEV, et le discours sur la « technologie blockchain » sera peut-être devenu plus crédible.

Money Lisa

(toile d’Emilie Grison)

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Le Spectre https://le-coin-coin.fr/4088-le-spectre/ https://le-coin-coin.fr/4088-le-spectre/#comments Thu, 07 Apr 2016 10:00:28 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=4088 Un spectre hante la Finance : le spectre du bitcoin. Toutes les puissances de la vieille finance se sont unies en une Sainte-Alliance non pour le traquer mais pour le noyer sous un flot de mots. Mais il remonte toujours à la surface, de colloque sur la disruption en consortium sur la blockchain, quand on imagine […]

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Un spectre hante la Finance : le spectre du bitcoin. Toutes les puissances de la vieille finance se sont unies en une Sainte-Alliance non pour le traquer mais pour le noyer sous un flot de mots. Mais il remonte toujours à la surface, de colloque sur la disruption en consortium sur la blockchain, quand on imagine les vingt façons dont cette technologie libertaire pourrait être miraculeusement retournée pour embellir la main qu’elle entendait mordre.

A l’Assemblée nationale le 24 mars (« Blockchain : disruption et opportunités ») plusieurs experts ont pu expliquer qu’il était illusoire de séparer le bitcoin de la blockchain, simplement en rappelant le fonctionnement de l’un et de l’autre ou en faisant mention de recherches de première main ; mais il se trouvait toujours un nouvel orateur pour venir asséner à l’assistance l’importance de bien distinguer l’un et l’autre, sans que cette admonestation ne soit fondée sur quoi que ce soit hormis l’argument d’autorité.

Si aucune explication technique ne peut surmonter la sainte horreur qu’une monnaie décentralisée inspire à tous ceux qui exercent le métier de tiers de confiance ou de contrôle, la bonne nouvelle est qu’un soutien de poids pourrait venir des juristes.

JuristesCertes, tout n’est pas limpide de ce côté là. À l’Assemblée Nationale, on n’a pas toujours saisi si les pros des lawtechs comptaient mettre de la loi dans l’algorithme ou de l’algorithme dans la loi. Certains n’ont pas dû méditer le principe de Kerckhoffs. On a vécu, en revanche, un grand moment quand Maître Thibault Verbiest (De Gaulle-Fleurance) a rappelé que la monnaie est basée sur une notion qui n’est pas définie juridiquement parce qu’en droit la confiance n’existe pas et qu’elle est au mieux une tautologie.

Gardez cette tautologie en mémoire, elle va resurgir avant la fin de l’article.

Deux événements consécutifs viennent de faire entendre des musiques intéressantes. La soirée « Blockchain et Droit » organisée à la Sorbonne le 31 mars par le groupe d’étudiants Think Libéral d’Assas, entendait explorer comment le droit positif risque de se retrouver rapidement dépassé par ces innovations [et] commencer à défricher les liens entre le droit et la technologie de la blockchain. La matinée Assurchain organisée le 6 avril par Finyear et France Innovation au Palais Brongniart se présentait comme un évènement exceptionnel en avance de phase sur l’impact de la Blockchain sur le secteur de l’assurance. On a parlé des smart contracts et de leurs promesses révolutionnaires : pas d’interprétation, pas d’intervention de l’Ètat, exécution automatique, mise en œuvre d’organisation autonome décentralisées… disruption de tout et partout.

À mi-chemin des juristes (on ne peut pas) et des technos (on peut tout) je dois exprimer quelques doutes sur certaines promesses des contrats intelligents mais aussi ce que je perçois comme une chance pour les paiements intelligents.

Les smart contracts n’éliminent pas forcément l’Etat. Au palais Brongniart on a entendu Alain Bregy décrire une flotte de véhicule autonomes et sans conducteur, appartenant à des DAO et mutuellement assurés via une blockchain. Tout un exposé qui n’a semblé buter qu’à l’évocation de dommages corporels réels. Sa diapositive a même été la plus likée sur Tweeter. Personne n’a cependant songé à demander à quels noms seraient établis les cartes grises. Cela me gêne un peu.

Sorbonne

À la Sorbonne, j’avais annoncé la couleur en tant qu’historien : l’ordre public est une fonction régalienne prioritaire à l’émission monétaire. Même si les tenants des contrats auto-exécutables assurent et proclament que code is law, rien n’empêchera jamais des litiges d’être portés devant la justice nationale quand il adviendra que l’un des plaignants ou la transaction elle-même y sera localisable. Je rappelle que les rois de France ont étendu le territoire où les justiciables pouvaient interjeter appel devant eux bien avant d’y déployer un réseau administratif. Le juge précède le préfet, et c’est le justiciable lui-même qui va le chercher.

Les smart contracts n’éliminent pas (tous) les litiges. A Genève ou à Paris, on s’est pressé pour entendre Stephan Tual présenter Slock.it, toujours brillamment tant qu’on en reste au concept, mais parfois avec un peu d’imprécision quand surgissent, par exemple sur le cas concret d’une location d’appartement, des questions sur l’état des lieux, les contestations, les dommages etc.

Ils ne fondent pas de droit et laissent ouvertes certaines questions de gouvernance. Maître Hubert de Vauplane (Kramer Levin Naftalis & Frankel) a déclaré à la Sorbonne que le débat autour de la méthode de consensus va déterminer largement le choix de la gouvernance des technologies blockchain. Je lui ai fait remarquer à la sortie que c’était aussi (voire plutôt ?) l’inverse, ce dont il est convenu en souriant. Mais le « contrat crypto » lui-même est problématique quand on écoute Maître de Vauplane : dans une blockchain ouverte les opérations effectuées n’ont pas d’autre force juridique que la valeur que les participants à la chaîne veulent bien lui donner.

Au total on risque d’être long à mesurer ce qu’ils apporteront. À la Sorbonne on a entendu le professeur Bruno Dondero (Panthéon Sorbonne) citer la gestion d’un pacte d’actionnaires (en private equity) comme une application très efficace de la blockchain… mais conclure en se demandant mais finalement en quoi est-ce que la blockchain est indispensable  par rapport au service que rendrait un tiers de confiance, qui pourrait ne pas être imposé par l’État mais choisi par les parties. Il ajoutait que « en droit je contracte avec un sujet de droit » et comparait avec humour les contrats entre machines au célèbre dialogue de Furby et Siri…

Furby et SiriEn terme de bénéfice technique, Alain Bregy parle de « l’élimination de la faillibilité du témoignage humain », mais il peine à convaincre quand on lui parle de la possibilité de truquer les capteurs. Quant aux bénéfices financiers, nul ne sait comment les 20 milliards promis sont sortis de chez Santander (ou de chez ses consultants?). Le patron de Ripple vient d’émettre de gros doutes. Un ancien banquier me suggère en off que concrètement, ce sont des réductions massives d’effectifs pour la réalisation de tâches administratives : exactement le discours qui a accompagné dans les années 1980 l’arrivée de la micro-informatique; ce qui pour des raisons aussi nombreuses qu’évidentes ne se réalise pas d’un coup de baguette magique…

Au total, une notable imprécision dans l’accroche au réel risque d’entraver ce que l’on commence à appeler la marchandisation de la blockchain. Pour l’instant l’argent qui soutient la blockchain est celui de l’ancien monde qui n’a que deux buts : regarder comment ça marche (mais de loin, et pas tout seul) et faire oublier son potentiel disruptif en implémentant de vieux services, comme le crédoc (chez R3CEV ?), les bons de Caisse (chez Macron) ou le financement participatif (chez BNP Paribas, lire les réserves d’un expert) sur des « prototypes » (alias « PoC ») c’est à dire des blockchains-jouets présentées comme de grandes réalisations maison, mais conçues par des consultants extérieurs.

Dans l’exposé d’Alain Bregy au Palais Brongniart la fonction de production de monnaie n’a pas d’intérêt : on adhère à son système de véhicules autonomes pour bénéficier d’une bonne assurance quand on est un bon conducteur. Et d’ailleurs sur ses diapositives les paiements sont symbolisés par le signe €.

BregyInutile de préciser que le même jour, dans l’exposé de Philippe Denis (BNP Paribas) le bitcoin est éliminé d’une phrase, comme une saleté, même s’il réapparait comiquement quand l’orateur avance que la banque se serait intéressée à la blockchain dès 2011.

Or une autre phrase, prononcée pourtant plus tôt dans la matinée, aurait dû faire mouche, celle d’Adrian Sauzade (Wekeep) : la blockchain ne permet de programmer que des cryptomonnaies. Pour enfoncer le clou : « l’euro n’est pas une smart money ».

J’avais prévenu, moi-même, à l’Assemblée Nationale : Des contrats intelligents auto-exécutables en tous genres sont conceptuellement possibles. Ils fonctionneront avec des jetons digitaux et chaque fois qu’une idée séduira, le jeton correspondant prendra de la valeur. Voyez ce qui est arrivé avec Ethereum, jadis paré de toutes les vertus demodestie face à bitcoin, et dont l’éther est devenu aussi volatile et aussi spéculatif. La moue des banquiers n’y pourra rien, une blockchain ne peut faire circuler que des représentations (IOU) qui n’auront jamais d’autre force juridique que la valeur que les participants à la chaîne veulent bien lui donner ou …des smart-tokens qui pourront toujours servir de monnaie. Une monnaie est une monnaie. Tautologie ! 

Adrian Sauzade, qui avait déjà pu présenter le projet WeKeep à la Sorbonne, vise lui aussi à fournir un service smart : une assurance (vraiment) mutualisée, avec séquestre sur la blockchain (de bitcoin), déblocage de l’indemnisation en cas de sinistre par un jeu de multi-signature, le groupe de mutualistes étant l’unique détenteur des fonds. Pour cela, à la Sorbonne, comme au Brongniart, il n’a pas hésité à parler de bitcoin parce qu’il est raisonnable de fonder son projet sur ce qui fonctionne réellement. Il vise aussi à gérer des points de fidélités ou des jetons cryptographiques d’authentification…. Pour cela il doit ajouter de l’information (on dit « colorer ») des portions… de cette smart-money programmable qu’est le bitcoin.

Comme l’a rappelé en février dans un communiqué le Cercle du Coin (qui compte aujourd’hui 35 membres tous entrepreneurs, promoteurs de start-up, développeurs, gestionnaires de blogs spécialisés ou de meet-up) il n’y aura certainement pas de « révolution blockchain » sans le bitcoin.

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Le Bitcoin bientôt une monnaie légale au Japon ? https://le-coin-coin.fr/3772-bitcoin-bientot-monnaie-legale-au-japon/ https://le-coin-coin.fr/3772-bitcoin-bientot-monnaie-legale-au-japon/#respond Sat, 12 Mar 2016 21:50:34 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=3772 Le Bitcoin pourrait bientôt être considéré comme une monnaie légale au Japon. Le Parti Libéral-Démocrate au pouvoir envisage de proposer des modifications juridiques qui donneraient à Bitcoin et d’autres crypto-monnaies le statut officiel de monnaie.  Une possibilité qui entraînerait certains changements. Bitcoin pourrait être plus étroitement réglementé et taxé. Cela est également susceptible de conduire […]

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Le Bitcoin pourrait bientôt être considéré comme une monnaie légale au Japon. Le Parti Libéral-Démocrate au pouvoir envisage de proposer des modifications juridiques qui donneraient à Bitcoin et d’autres crypto-monnaies le statut officiel de monnaie. 

Une possibilité qui entraînerait certains changements. Bitcoin pourrait être plus étroitement réglementé et taxé. Cela est également susceptible de conduire à davantage d’investissements dans le développement des infrastructures de crypto-monnaie au Japon. Tomonori Kanda, un officiel au département des affaires financières au siège du parti, a annoncé que des changements législatifs ont été abordé mercredi. Et maintenant le parti a pour objectif de soulever la question au parlement. «  Il y a un long chemin à parcourir, mais nous avons discuté de la réforme et nous pensons que c’est la bonne voie à prendre. La date du changement est encore à déterminer » 

Actuellement le Japon considère Bitcoin comme une marchandise. La nouvelle définition considérerait tout ce qui peut être échangé contre des biens et des services, ou des cours légaux en tant que monnaie. Ce qui inclurait Bitcoin, Dogecoin, Litecoin et d’autres crypto-monnaies.

Selon un rapport publié dans le journal du Nikkei, ces modifications ont été proposées par l’organisme de gouvernance de l’Agence des Services Financiers. Toutefois un représentant de cet organisme a refusé de confirmer que ces possibles modifications apportées à la législation aient été considérées. «  Nous n’avons pas encore décidé quoi que ce soit. La façon dont les choses fonctionnent ici est que tout changement doit être approuvé par le parlement dans un premier temps. Ensuite nous pourrions travailler sur la rédaction de la loi.  »  En s’exprimant sous couvert d’anonymat en raison de la sensibilité du sujet, le fonctionnaire a refusé de commenter si l’Agence des Services Financiers avait proposé des modifications législatives.

Le Japon où était implanté l’ancienne plateforme d’échange de bitcoins Mt. Gox, avant son effondrement en 2014, qui a provoqué une perte d’une valeur de plusieurs millions d’euros, recherche de façon significative comment garder un œil sur les crypto-monnaies et prévenir une éventuelle autre catastrophe.  On est également en droit de penser que la dévaluation actuelle du Yen n’est pas étrangère à cela. 

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Souverainement (bis) https://le-coin-coin.fr/3393-souverainement-bis/ https://le-coin-coin.fr/3393-souverainement-bis/#comments Wed, 13 Jan 2016 14:06:36 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=3393 Certes le Soleil se lève chaque jour. Est-ce une raison pour que nos politiques se comportent chaque nouveau jour comme de petits Rois-Soleil? Le site Numerama nous apprend ainsi que l’ancienne ministre socialiste Delphine Batho et plusieurs députés Les Républicains dont la vice-présidente du parti Nathalie Kosciusko-Morizet, demandent la création d’un Commissariat à la souveraineté […]

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Certes le Soleil se lève chaque jour. Est-ce une raison pour que nos politiques se comportent chaque nouveau jour comme de petits Rois-Soleil?

Le site Numerama nous apprend ainsi que l’ancienne ministre socialiste Delphine Batho et plusieurs députés Les Républicains dont la vice-présidente du parti Nathalie Kosciusko-Morizet, demandent la création d’un Commissariat à la souveraineté numérique qui aurait la responsabilité de créer un système d’exploitation français.

Les réactions négatives n’ont pas tardé. Je suis désolé d’y ajouter la mienne, après celle que j’avais exprimée sur le cloud souverain à la française.

Si cette idée ne devait pas, comme on peut le supposer (cela s’appelle raisonner par induction) conduire à un nouveau gâchis d’argent public, et si un OS à la française devait un jour exister, qui s’en servirait ? Peut-être l’Etat et les acteurs publics. On peut trouver plusieurs exemples de l’attitude contraire, mais faisons l’hypothèse que les acteurs « souverains » se serviraient de leur OS « souverain ». Et s’y enfermeraient, sauf à nous l’imposer par la contrainte, en nous y enfermant.

Et nous? Que nous apporterait un OS à la française?

  • l’usage de la langue française? on peut le regretter mais il est bien tard pour refuser de considérer le globish comme la lingua franca de l’Internet. L’Etat français ne se bat même plus pour imposer notre langue là où elle était juridiquement protégée (ONU, OTAN, UE…).
  • la satisfaction de ne pas enrichir M. William Gates ? Il y a Linux. Même la Chine ou la Corée du Nord (nous voici en bonne compagnie) ont eu ce genre d’idée… et  sont finalement parties sous Linux.
  • une plus grande sécurité ? Nous voici en terrain politique…

Dans l’absolu idée de combattre l’hégémonie américaine sur le « Web français » (il faudrait dire sur les internautes français) et de sauvegarder la confidentialité des données échangées sur le réseau n’est pas absurde. Les révélations d’Edward Snowden sont proprement terrifiantes.

Mais l’État français, qui n’entend pas donner l’asile à MM. Julian Assange et Edward Snowden et l’a fait savoir sèchement, est-il bien placé pour une posture de protecteur de nos libertés? Avant et après les événements de 2015, de manière constante depuis des années, à travers les alternances, et en pleine collaboration de tous les partis de gouvernement, l’État français n’a cessé d’affirmer son droit à écouter (sinon à entendre) , espionner, enregistrer les échanges des français, les partager avec des États tiers, en conserver et en utiliser en grand nombre les données.

Enfin, du fait de son incapacité politique à comprendre ses adversaires, l’État français entend appliquer ce traitement exceptionnel à tous et tout le temps, définir statistiquement les comportements normaux et les déviants, au risque d’une explosion des méprises.

Sur sa volonté de ne rien comprendre, il suffit écouter M. Valls (lire l’intéressant article du docteur Jean Yves Nau). J’avais commis, sur mon blog, un article comparant la police du temps de Fouché et la police algorithmique et annonçant l’echec de celle-ci, encore qu’on nous la présentât (avant le 13 novembre) comme l’arme absolue pour détecter les signaux faibles jusque dans la tête des terroristes.

Au delà d’une prétention proprement totalitaire, on entre dans … le burlesque.

Le même site Numerama s’est fait l’écho de la volonté de Mme Kosciusko-Morizet d’installer des backdoors à l’usage de la police. Or c’est très proprement une stupidité. Et puisque cette dame n’est pas le premier responsable politique à la proférer, il ne faut pas se lasser d’y répondre.

M. Obama, Mme Clinton, M. Cameron, et même le gouvernement français dans son délire de toute-puissance ne peuvent demander aux mathématiques un miracle particulier.  Le patron du FBI est sûr qu’on peut lui trouver un truc. Mais cela fait rire. Il semble qu’Obama aussi attende un miracle. Mais cela fait rire.

Je ne parle pas de miracle au hasard. Il s’agit bien de croire que l’on va modifier l’ordre naturel des choses. J’avais écrit sur mon blog un billet sur l’affaire dite des convulsionnaires, où un plaisant avait fini par dire que le roi de France voulait empêcher Dieu de faire des miracles à défaut de les produire lui même.

La chute des corps graves ou la fission des atomes lourds sont des lois physiques insensibles aux injonctions politiques. Cela a des aspects positifs ou négatifs, c’est selon l’usage et l’usager. Il y a de même des lois mathématiques qui s’imposent à tous, quelque soit leur rang, et qui sont étrangères au volontarisme politique. La somme des angles d’un triangle ne peut être de 179° pour satisfaire un programme politique. La cryptographie repose sur l’usage de fonctions mathématiques irréversibles, même par un élu ou un fonctionnaire.

Il y a quelque chose d’étrange à voir des gens qui ne sont pas avares de référence aux « lois » dans d’autres domaines où elles ne sont qu’abus de langage, vouloir les bousculer là où elles sont de fer. Je pense à l’économie, où des bricolages mathématiques sont prestement et abusivement intronisés sous le nom de « lois de l’économie » pour masquer de simples rapports de force sociaux ou politiques. Sans doute est-ce de cet usage qu’est née la conviction qu’une loi mathématique ou physique pouvait être amendée ?

clé de secours

Puisque l’on parle de backdoor, filons la métaphore.  Si la porte de secours est fermée à clé, de l’intérieur, celui qui est à l’extérieur, qu’il soit policier ou voleur, ne peut que tenter de l’enfoncer, s’il le peut. Or la porte cryptographique ne s’enfonce point. Ce que demandent les politiques c’est donc que l’on mette une clé de secours, du genre de ceux que l’on met pour les pompiers, mais qu’on la mette non à l’intérieur (du côté du propriétaire) mais à l’extérieur !

Or ainsi placée, il n’est pas difficile de comprendre qu’elle servira de la même façon au gendarme et au voleur. Alors certes, la petite armoire peut avoir une clé. L’usage fait que cette seconde clé reste généralement sur l’armoire, ou pendue à un clou à côté.  Mais fut-elle dans un tiroir du gendarme qu’il reste possible de voler le gendarme, ou de bidouiller la serrure.

Faut-il rappeler que le Pentagone, le fisc américain, le fisc français, les sites des banques ou celui Ashley-Madisson se sont tous fait hacker? Et que les clés asymétriques ont été justement inventées pour cela ?

Les hommes et femmes politiques qui, légitimement soucieux d’accompagner, voire de favoriser, l’émergence d’une nouvelle économie, désirent prendre des initiatives utiles et marquantes ne manquent pas de chantiers où s’employer.

Encore faut-il éviter de parler, comme Madame Delphine Batho, de l’exercice, dans le cyberespace, de la souveraineté nationale. Parce que cela n’a simplement aucun sens. Je l’ai écrit ailleurs, au sujet du bitcoin, le cyberespace nous place face aux limites de la pensée, en tout cas pour ceux qui pensent avec leurs pieds, sur le plancher des vaches, et qui vont y rester.

Le cyberespace n’a pas de plage où planter sa bannière comme en 1492.

1492
Christoph Colomb arrive sur le territoire américain (D. Puebla, 1862)

L’enjeu politique serait bien plutôt de faire de la France, juridiquement, politiquement (et fiscalement, mais ce n’est pas forcément le premier souci) le meilleur point de contact entre ce monde-ci et le cyberespace. C’est la chose à laquelle les responsables politiques devraient réfléchir, autrement que sous le coup des émotions, et en intelligence avec les explorateurs du cyberespace.

Peinture de couverture : Louis XIV recevant l’ambassadeur de Perse (Nicolas de Largillière 1715)

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Régulation européenne : les opérations de change en Bitcoin sont exonérées de TVA https://le-coin-coin.fr/3360-regulation-europeenne-les-operations-de-change-en-bitcoin-sont-exonerees-de-tva/ https://le-coin-coin.fr/3360-regulation-europeenne-les-operations-de-change-en-bitcoin-sont-exonerees-de-tva/#respond Fri, 08 Jan 2016 07:00:48 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=3360 Tout commence par une question posée par un commerçant suédois, David Hedqvist. Avant de lancer son activité d’achat-vente de monnaie Bitcoin, en échanges de devises suédoises, M. Hedqvist avait déposé une demande d’avis préalable auprès de la commission suédoise de droit fiscal (le Skatterättsnämnden) afin de savoir s’il devait soumettre ses opérations de change à […]

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Canton Consulting Blog

Tout commence par une question posée par un commerçant suédois, David Hedqvist. Avant de lancer son activité d’achat-vente de monnaie Bitcoin, en échanges de devises suédoises, M. Hedqvist avait déposé une demande d’avis préalable auprès de la commission suédoise de droit fiscal (le Skatterättsnämnden) afin de savoir s’il devait soumettre ses opérations de change à la TVA. 

Bitcoin est un moyen de paiement analogue aux moyens légaux et traditionnels

Le 14 octobre 2013, la commission de droit fiscal avait répondu dans son avis que le Bitcoin est un moyen de paiement utilisé de manière analogue aux moyens de paiement légaux et les opérations que M. Hedqvist projette d’effectuer devraient, par conséquent, être exonérées de TVA. En d’autres termes, ces opérations se limiteraient à l’achat et la vente d’unités de la monnaie numérique, Bitcoin en échange de devises traditionnelles, telles que la couronne suédoise, et inversement.

Une décision peu satisfaisante pour l’administration fiscale suédoise (le Skatteverket), qui a formé un recours à l’encontre de cet avis, devant la Cour suprême suédoise (Högsta förvaltningsdomstolen). En effet, le Skatteverket estimait que les opérations d’échange entre devises traditionnelles et Bitcoin ne rentrent pas dans le cadre de la directive européenne sur la TVA et ne pouvaient donc pas être exonérées de cette taxe. La Cour suprême avait décidé de transmettre la question à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), pour une demande de décision préjudicielle introduite le 27 mai 2014 et parvenue le 2 juin 2014 à la CJUE. En conséquence, la CJUE a statué sur ce sujet dans son arrêt en date du 22 Octobre 2015. 

Dans cette affaire, la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, et l’article 135, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, à savoir le caractère imposable à la TVA des opérations de change. Mais dans le cas où les opérations de change seraient imposables, il convient de déterminer si elles sont également soumises à la taxe.

En effet, la directive relative au système commun de taxe sur la valeur, au terme de son article 2, dispose que les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la TVA. Toutefois, les États membres doivent notamment exonérer les opérations qui portent sur « les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux».

CJUE : les échanges de devises avec Bitcoin sont exonérés de TVA

Dans son arrêt, la CJUE juge que la monnaie numérique, Bitcoin, est un moyen de paiement contractuel, qui ne peut être regardé ni comme un compte courant, ni comme un dépôt de fonds, un paiement ou un virement et qu’elle constitue un moyen de règlement direct entre les opérateurs qui l’acceptent.  Bitcoin  ne constitue, ni un titre conférant un droit de propriété sur des personnes morales, ni un titre d’une nature comparable.

La CJUE estime également que des opérations d’échange de devises traditionnelles contre des unités de Bitcoin, et inversement, constituent des prestations de services, et non une livraison de bien, fournies à titre onéreux, dès lors qu’elles consistent en l’échange de différents moyens de paiement. Il existe un lien direct entre le service rendu par Mr. Hedqvist et la contre-valeur reçue par celui-ci, à savoir la marge constituée par la différence entre, d’une part, le prix auquel il achète les devises et, d’autre part le prix auquel il les vend à ses clients en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c) de la directive 2006/11/CE du 28 Novembre 2006.

Et enfin, la Cour considère qu’en vertu de l’article 135, paragraphe 1, lettre e) de la directive 2006/112 concernant les opérations portant sur « les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux », les prestations de services consistant en l’échange de devises traditionnelles contre des unités de la devise virtuelle « Bitcoin » et inversement, effectuées contre le paiement d’une somme correspondant à la marge constituée par la différence entre, d’une part, le prix auquel l’opérateur concerné achète les devises et d’autre part, le prix auquel il les vend à ses clients, constituent des opérations exonérées de la TVA.

Vers une définition de Bitcoin ?

Qu’est-ce que Bitcoin ? Voilà une question abordée à de nombreuses reprises dans les différents colloques et conférences organisées autour de cette fameuse crypto-monnaie. Les approchent foisonnent : pour certains Bitcoin est un  système de transfert et de vérification de propriété, pour d’autres plus qu’une monnaie, c’est une technologie au potentiel énorme. Toujours est-il que la décision de la CJUE laisse la porte ouverte à une définition du Bitcoin en tant que devise à proprement parler. Un pas que les États-Unis n’ont pas encore franchi puisqu’outre-Atlantique, le Bitcoin n’est reconnu que comme une simple « marchandise » (voir NDP 152).

En effet, La CFTC (Commodity Futures Trading Commission) a officiellement reconnu le Bitcoin comme une commodity (marchandise), au même titre que l’or, le blé et le pétrole. Dans sa décision, la CFTC apporté plus de « clarté », en indiquant que selon l’article 1a(9) du  (Commodity Exchange Act (CEA), une marchandise inclut « tous les services, les droits et intérêts dans pour lesquels, les contrats en vue d’une mise en œuvre future sont négociés présentement ou dans le futur ». Une décision qui rappelle la conclusion de la Finlande, qui en janvier 2014, avait classé la crypto-monnaie dans la catégorie des marchandises brutes telles que le coton et le café.

Article co-écrit avec Henri KELLE

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Un aperçu du droit de propriété en RPC (et des applications pour la blockchain) https://le-coin-coin.fr/3250-blockchain-droit-chine/ https://le-coin-coin.fr/3250-blockchain-droit-chine/#respond Sun, 20 Dec 2015 13:30:00 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=3250 L’article ci-dessous, publié sur le site chinois 8btc.com, est signé par un avocat chinois spécialiste du droit des affaires, qui dit avoir collaboré avec les créateurs d’Antshares (dont j’ai déjà parlé plusieurs fois) en les conseillant sur les aspects légaux et réglementaires du projet. Il cherche à y montrer que sur le plan strictement légal […]

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L’article ci-dessous, publié sur le site chinois 8btc.com, est signé par un avocat chinois spécialiste du droit des affaires, qui dit avoir collaboré avec les créateurs d’Antshares (dont j’ai déjà parlé plusieurs fois) en les conseillant sur les aspects légaux et réglementaires du projet.

Il cherche à y montrer que sur le plan strictement légal rien ne s’opposerait à l’enregistrement des droits de propriété des associés et des actionnaires sur une blockchain, car dans l’état actuel de la législation chinoise le registre des associés et des actionnaires est déjà tenu par l’entreprise elle-même, et l’inscription dans ce registre est suffisante pour se prévaloir de ses droits,sans nécessité d’un tiers de confiance. Je traduis librement ses propos ci-dessous.

Le droit chinois distingue les « sociétés par actions » (股份公司, gufen gongsi) et les « sociétés à responsabilité limitée » (有限公司, youxian gongsi). Les sociétés par actions peuvent être cotées en Bourse (上市 shangshi, littéralement « montée sur le marché ») ou non. Seules les entreprises cotées dispose d’un organisme national unique d’enregistrement, le China Securities Depository and Clearing Corporation ltd (中国证券登记结算公司, zhongguo zhengquan dengji jiesuan gongsi), mais il n’existe rien de tel pour les entreprises non cotées : selon les réglementations en vigueur en RPC, charge à elle d’émettre leurs actions et de tenir à jour la liste de leurs actionnaires. Même si il existe des entreprises spécialisées auxquelles elles peuvent déléguer cette gestion, il n’y a aucune obligation légale de faire appel à un « tiers de confiance ».

Quant aux sociétés à responsabilité limitée, elles n’émettent pas d’actions, c’est pourquoi la loi impose à chaque SARL de tenir son propre registre des associés :

Les associés [ndt : en chinois, l’associé dans une SARL ou l’actionnaire d’une société par actions sont désignés par le même terme, 股东 gudong, « le propriétaire 东 de parts 股 »] peuvent se prévaloir de leur inscription dans le registre des associés (股东名册 gudong mingce, « le registre 册 des noms 名 des associés ») pour revendiquer et exercer leurs droits. (Droit des sociétés, article 33)

L’enregistrement des associés auprès du Ministère du Travail et du Commerce (工商部 gongshang bu) a essentiellement un rôle de publicité de l’information, et d’un point de vue légal elle rend l’information opposable à un tiers. Mais cet enregistrement ne constitue pas, contrairement aux idées reçues, une preuve légale suffisante des droits d’un associé :

La société doit enregistrer les nom et prénom de chaque associé auprès de l’autorité compétente. Tout changement doit être enregistré. Le défaut d’enregistrement ou de mise à jour de l’information empêche d’opposer son droit de propriété à un tiers en cas de litige.

Ainsi, à l’exception des sociétés par actions cotées en Bourse, en RPC le droit laisse beaucoup d’autonomie aux entreprises quand il s’agit de garantir les droits de tous leurs associés, car ce sont elles qui créent, conservent et fournissent le cas échéant la preuve nécessaire à l’exercice de leurs droits, qu’il s’agisse des actions émises ou des registres contenant l’identité des associés et le montant de leurs parts. Pour toutes ces opérations, elles ne dépendent d’aucun organisme d’enregistrement public : le Ministère du Travail et du Commerce, en dépit de son crédit auprès du grand public, ne joue ici qu’un rôle secondaire.

Si l’on considère maintenant la blockchain avant tout comme une technologie permettant d’enregistrer et de conserver l’information, comment ne pas voir le potentiel pour la création et la conservation de ces registres au sein de chaque entreprise ? La blockchain, quoique sans doute un peu déroutante pour les entreprises, est une technologie répondant parfaitement à leurs besoins pour réaliser cette opération, et leur permettra d’être plus fiable et efficace à moindre coût que les solutions utilisées aujourd’hui.

D’un point de vue légal, absolument rien ne s’y oppose. Que ce soit dans le droit des sociétés ou la réglementation relative à l’enregistrement de ces informations, la loi ne spécifie nulle part la forme que doit prendre cet enregistrement, si ce n’est qu’il doit pouvoir être produite sous une forme écrite et intelligible. Si l’on laisse de côté les sociétés par actions cotées, les entreprises chinoises ont donc aujourd’hui toute latitude pour choisir un enregistrement sur blockchain.

Aujourd’hui la plupart des entreprises choisissent le support papier pour tenir ce genre de registre, par habitude, mais aussi parce qu’elles considèrent un registre papier sous bonne protection plus difficile à falsifier qu’une version électronique, et que les autorités sont encore parfois réticentes envers le support électronique. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une obligation légale, et il n’existe aujourd’hui aucun fondement légal pour empêcher une entreprise d’adopter la blockchain.

Le rôle du Ministère du Travail et du Commerce est également appelé à évoluer, et le législateur commence à en prendre conscience. En effet ses domaines de compétences sont aujourd’hui trop hétérogènes. Son rôle principal reste l’enregistrement des créations et des liquidations d’entreprises, incluant la gestion des faillites, ainsi que la délivrance des permis pour l’exercice des activités contrôlées.

Comme nous l’avons vu, le Ministère peut être sollicité pour enregistrer les droits des associés afin d’empêcher que plusieurs personnes puissent prétendre être propriétaire des mêmes parts. Mais dans le fonctionnement normal de l’entreprise et en-dehors de ces situations litigieuses voire carrément frauduleuses, nul besoin de faire appel à lui pour se prévaloir de ses droits en tant qu’associés ou qu’actionnaires.

Enfin, il est également chargé du contrôle du respect de la réglementation par les entreprises, en particulier le respect des règles anti-trust et des règles de la concurrence, ainsi que de la répression des fraudes et des contrefaçons.

Ces missions évoluent depuis quelques années, les opérations purement administratives lors des créations et des liquidations tendent à se simplifier et à devenir moins envahissantes, tandis que le rôle de régulation du marché et de répression des fraudes prend davantage d’importance.

Cette évolution des missions du Ministère en ce qui concerne l’enregistrement et le contrôle des droits des associés et des actionnaires se fait donc dans l’esprit de la réglementation déjà en vigueur, qui vise déjà à sortir ces tâches de l’orbite des institutions gouvernementales pour la déléguer à chaque entreprise. Dans de nombreuses provinces, les sociétés par actions non cotées n’enregistrent en fait déjà plus la liste de leurs actionnaires auprès des autorités de contrôle. La Chine se met ainsi au diapason des autres économies développées, où ces opérations sont déjà effectuées depuis longtemps par des organismes privés.

La blockchain s’inscrit donc dans cette transformation déjà en cours, en supprimant radicalement la nécessité du tiers de confiance, qu’il soit étatique ou privé. Mais ses bénéfices vont au-delà de la simple opération d’enregistrement et de conservation de l’information, puisqu’elle garantit également la validité et la publicité de celle-ci, réduisant les drastiquement les risques de contentieux.

Antshares est une expérience audacieuse dans cette direction, et si personne ne saurait garantir son succès, je peux assurer que de ce point de vue absolument rien ne peut lui être opposé pour le moment. A la condition que la version finale respecte l’ensemble des réglementations en vigueur, Antshares pourra tout à fait remplacer les registres actuels chez les entreprises qui accepteront de l’adopter, et les actionnaires de ces entreprises pourront tout-à-fait jouir de leurs droits sur la seule foi des informations inscrites sur la blockchain.

Texte d’origine : http://www.8btc.com/antshares-compliance

在此,特别感谢作者高素质蓝领回答我的入门者的问题。

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Echanges Bitcoin contre devises exonorées de TVA https://le-coin-coin.fr/2934-echanges-bitcoin-contre-devises-exonores-de-tva/ https://le-coin-coin.fr/2934-echanges-bitcoin-contre-devises-exonores-de-tva/#respond Tue, 27 Oct 2015 21:51:02 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=2934 Le litige est né d’un citoyen suédois, David Hedqvist. Avant de lancer son activité d’achat-vente de monnaie Bitcoin en échanges de devises suédoises, M. Hedqvist avait déposé une demande d’avis préalable auprès de la commission suédoise de droit fiscal afin de savoir s’il devait soumettre ses opérations de change à la TVA. Cette commission a […]

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Le litige est né d’un citoyen suédois, David Hedqvist. Avant de lancer son activité d’achat-vente de monnaie Bitcoin en échanges de devises suédoises, M. Hedqvist avait déposé une demande d’avis préalable auprès de la commission suédoise de droit fiscal afin de savoir s’il devait soumettre ses opérations de change à la TVA.

Cette commission a estimé que les monnaies numériques devaient bénéficier de l’exonération de TVA au même titre que les opérations relatives aux autres moyens de paiement officiels, dans la mesure ou elles constituent des moyens de paiement légaux sur le territoire de l’Union européenne. La commission indique que le Bitcoin est une devise numérique analogue aux autres devises échangeables s’agissant de leur usage dans le monde réel.

Par la suite, l’administration fiscale suédoise a formé un recours à l’encontre de l’avis de la commission.

En conséquence, la Cour de Justice de l’Union Européenne a statué sur ce sujet dans son arrêt en date du 22 Octobre 2015.

DES QUESTIONS PREJUDICIELLES 

Dans cette affaire, la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, et 135, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE en date du 28 Novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, à savoir le caractère imposable à la TVA des opérations de change mais également dans le cas où les opérations de change seraient imposables, il convient de déterminer si elles sont également soumise à la taxe, c’est à dire si elles ne sont pas exonérées.

En effet, la directive relative au système commun de TVA au terme de son article dispose que les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un Etat membre par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA. Cependant, les Etats membres doivent notamment exonérer les opérations qui portent sur « les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux« .

PRISE DE POSITION FAVORABLE DE LA CJUE 

Ainsi, dans sa décision, la CJUE juge que la devise numérique décentralisée « Bitcoin » est un moyen de paiement contractuel, qui ne peut etre regardé, ni comme un compte courant, ni comme un dépôt de fonds, un paiement ou un virement et qu’elle constitue un moyen de règlement directe entre les opérateurs qui l’acceptent. La devise numérique « Bitcoin » ne constitue ni un titre conférant un droit de propriété sur des personnes morales, ni un titre de nature comparable.

La CJUE estime également que des opérations d’échanges de devises traditionnelles contre des unités de la devise numérique « bitcoin », et inversement, constituent des prestations de services, et non pas de livraison de bien, fournies à titre onéreux, des lors qu’elles consistent en l’échange de différents moyens de paiement et qu’il existe un lien direct entre les service rendu (par le requérant initial, Monsieur Hedqvist) et la contre valeur reçue par lui, à savoir la marge constituée par la différence entre, d’une part, le prix auquel il achète les devises et, d’autre part, le prix auquel il les vend à ses clients en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c) de la directive de 2006.

Enfin, la Cour considère qu’en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous e) de ladite directive de 2006 concernant les opérations portant sur les « devises, les billets de banques et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux« , les prestations de services consistant en l’échange de devises traditionnelles contre des unités de la devise numérique « Bitcoin » et inversement, effectuées contre le paiement d’une somme correspondant à la marge constituée par la différent entre, d’une part, le prix auquel l’opérateur concerné achète les devises et d’autre part, le prix auquel il les vend à ses clients, constituent des opérations exonérées de la TVA.

Ainsi, avec cette décision, la CJUE laisse la porte ouverte à une définition du Bitcoin en tant que devise à proprement parler. Un pas que les Etats-Unis n’ont pas encore franchis puisque Outre-Atlantique, le Bitcoin n’est reconnu que comme une simple « commodité« .

Voir le Texte complet.

Source : eur-lex.europa.eu

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Deloitte sort un rapport sur le Bitcoin https://le-coin-coin.fr/2883-deloitte-sort-un-rapport-sur-le-bitcoin/ https://le-coin-coin.fr/2883-deloitte-sort-un-rapport-sur-le-bitcoin/#comments Sat, 24 Oct 2015 22:44:16 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=2883 Deloitte, un des Big Four, vient de sortir un rapport nommé «Bitcoin at the crossroads» (Bitcoin, à la croisée des chemins). Dans ce papier, Deloitte souligne avec une certaine objectivité les innovations de Bitcoin et ce qu’elles apportent. Mais la principale question du rapport est sur la nécessité ou non de réguler Bitcoin même si […]

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Deloitte, un des Big Four, vient de sortir un rapport nommé «Bitcoin at the crossroads» (Bitcoin, à la croisée des chemins). Dans ce papier, Deloitte souligne avec une certaine objectivité les innovations de Bitcoin et ce qu’elles apportent. Mais la principale question du rapport est sur la nécessité ou non de réguler Bitcoin même si son architecture décentralisée semble aller dans le sens inverse.

Mais pour résumer leur pensée, le temps ne presse pas pour le moment, en effet le cabinet d’audit constate que le Bitcoin ne représente pas un grand poids monétaire par rapport aux autres instruments de paiement pour le moment, que tous ses usages n’ont pas encore été trouvés (les plus majeurs restent encore à découvrir selon eux) et enfin le plus intéressant selon moi, ils montrent avec pertinence le temps mis à travers l’histoire pour réguler les innovations :

  • Telephone — invented in 1876, regulated in 1913 (37 years later)
  • Airplanes — invented in 1903, regulated in 1938 (35 years later)
  • Radio — invented in 1907, regulated in 1927 (20 years later)
  • Mobile phones — invented 1965, first targeted wireless spectrum auction by the FCC focused on mobile phones, 1989 (24 years later)
  • Internet, invented in 1969viii, only becoming an area of intense regulatory focus over the last few years, close to 46 years into its development

Ce petit rappel historique nous permet de relativiser le manque de régulation au regard de la jeunesse du Bitcoin. Même si l’on sait que tout va de plus en plus vite dans la technologie, ce n’est hélas pas encore le cas pour l’appareil d’état ou les institutions. En conclusion le cabinet reste donc sur une note patiente mais plutôt bienveillante à l’égard du Bitcoin.

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