PBOC – Le Coin Coin https://le-coin-coin.fr Informations, réflexions, contenu francophone sur le sujet des monnaies décentralisées dont le bitcoin. Un magazine sans pub crypto, blockchain et économie. Wed, 20 Aug 2025 04:32:01 +0000 fr-FR hourly 1 69367527 Les exchanges chinois vers l’autorégulation ? https://le-coin-coin.fr/5257-exchanges-autoregulation/ https://le-coin-coin.fr/5257-exchanges-autoregulation/#respond Sun, 08 Jan 2017 20:00:26 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=5257 Le texte ci-dessous est une traduction d’un article paru aujourd’hui sur le site 8btc.com. J’ai essayé d’être fidèle à l’original, mais j’ai pris certaines libertés quand je pensais que cela pouvait améliorer la compréhension par un lecteur francophone. Je profite aussi de cet avertissement pour remercier l’auteur, qui chose rare en particulier chez nous, est […]

Cet article Les exchanges chinois vers l’autorégulation ? est issue du site Le Coin Coin.

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Le texte ci-dessous est une traduction d’un article paru aujourd’hui sur le site 8btc.com. J’ai essayé d’être fidèle à l’original, mais j’ai pris certaines libertés quand je pensais que cela pouvait améliorer la compréhension par un lecteur francophone. Je profite aussi de cet avertissement pour remercier l’auteur, qui chose rare en particulier chez nous, est une bitcoineuse, Mengdada de son nom de plume.

Le soir du 6 janvier, les 3 exchanges les plus importants de Chine (OKCoin, Huobi et BTCC) sont convoqués dans les locaux de la People Bank of China, la banque centrale chinoise. Ils y ont été fermement invités à « se contrôler eux-mêmes et à se corriger »(ndt : 自查整改, littéralement 自 soi-mêmeexaminer, inspectermettre en ordre, rectifiermodifier, réformer), une formule mystérieuse qui a suscité de nombreuses discussions au sein de la communauté. Mais la conséquence la plus immédiate et la plus spectaculaire de cet entretien, c’est l’effondrement du cours du Bitcoin, qui est descendu à 5600RMB avant de se stabiliser autour de 6300.

cours_bitcoin

BTCC a été le premier à publier un communiqué officiel, dans lequel il résume ainsi l’échange avec les employés de la PBOC : « le représentant de BTCC a présenté la façon dont opère la plate-forme, et a réaffirmé que BTCC continuerait comme par le passé à observer de la façon la plus stricte possible la législation et à s’efforcer de satisfaire les exigences de l’autorité de régulation. Il a assuré qu’être dans la légalité était crucial pour BTCC . BTCC s’est engagé à contrôler activement ses propres activités afin de rectifier ce qui aurait besoin de l’être, de contribuer à la stabilité du marché du bitcoin, et de toujours protéger l’intérêt des investisseurs. »

 

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Le communiqué en version anglaise, tel qu’il apparaît aujourd’hui sur le site de BTCC

Peu après les autres plate-formes convoquées ont elles aussi publié leurs propres communiqués dans lesquels elles s’engageaient dans les mêmes termes à « rectifier » leur activité, ce qui fait référence par exemple à la lutte contre le blanchiment ou au contrôle de la fuite des capitaux à l’étranger, et passe par un renforcement des contrôles sur l’identité des utilisateurs, avec pour objectif la stabilisation du marché du bitcoin.

En l’absence de règlementation étatique, les exchanges pourraient s’imposer leurs propres règles

En apprenant cette entrevue, tout le monde a bien sûr immédiatement pensé à décembre 2013, quand le cours du bitcoin atteignait les 8000RMB et que l’autorité de régulation de la PBOC avait publié le fameux communiqué dans lequel elle niait le statut de monnaie à Bitcoin et interdisait jusqu’à nouvel ordre aux banques et à tout organisme financier de mener la moindre activité en rapport avec lui. Même si, comme souvent en Chine, l’interdiction s’est avérée très peu suivie d’effet par la suite, cette annonce avait provoqué un cataclysme sur le cours. Mais de l’aveu des principaux intéressés eux-mêmes, le ton de l’entretien d’hier était plutôt cordial, et la décision de les convoquer avait manifestement été prise en réaction à l’envolée du cours le mois dernier. La PBOC espère que le marché du bitcoin puisse à l’avenir se stabiliser et se normaliser.

Une de mes connaissances qui a pu assister à l’entretien à la PBOC, mais qui désire conserver l’anonymat, m’a confié que cette injonction à « se contrôler et se corriger » est quelque chose de nouveau dans le discours de la PBOC. Le problème consiste toutefois à se « corriger » alors qu’il n’existe aucun cadre légal ou règlementaire clair, ni d’autorité de régulation désigné pour ces plate-formes.

Aujourd’hui, les exchanges sont un peu dans la même situation que ces vendeurs de rue qu’on voyait encore beaucoup il y a quelques années et qui vendaient des objets de collection comme des timbres, des vieilles cartes téléphoniques ou des pièces de monnaies anciennes : dans les deux cas un marché s’est formé spontanément au sein de la population sans contrôle des autorités. Les trois exchanges qui ont été appelés hier, ce sont un peu les vendeurs de rue qui ont attiré l’attention parce que leur étal était plus grand que ceux des autres. On leur a dit de « se contrôler et se corriger », mais à supposer que ces trois-là commencent à percevoir des frais supplémentaires pour compenser les frais engendrés par ces contrôles, le volume de trade va naturellement se reporter sur des concurrents qui n’étant pas soumis aux mêmes contraintes pourront se permettre de ne pas imposer ces frais. Il y a beaucoup de vendeurs de rue, et imposer cela juste aux plus gros n’aura pas un impact sur la rue dans son ensemble !
Si on voulait réellement faire rentrer les vendeurs de rue dans le cadre légal, un moyen serait de créer un marché dans lequel les vendeurs doivent s’enregistrer pour exercer, enregistrement qui les soumet au contrôle d’une autorité, en l’occurrence celle du Ministère du Travail, tandis que les clients auraient des droits bien définis et les moyens de faire entendre leurs réclamations en cas de litige. Un autre moyen serait de créer une plate-forme d’échange pour les timbres, les pièces et les cartes téléphoniques, qui ne serait jamais en possession ni de l’argent ni des biens et se contenterait de mettre en relation vendeur et acheteur, tandis qu’un troisième acteur gouvernemental superviserait la transaction.

Les cryptos en général et Bitcoin en particulier n’en sont encore qu’à un stade précoce de leur développement, et en l’absence d’un cadre légal et règlementaire clair, inciter les acteurs à trouver une forme d’autorégulation est sans doute la meilleure solution. Un exemple à suivre pourrait être celui de la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA), une entité non-gouvernementale rattachée à la Bourse de New-York et chargée de s’assurer du respect de la règlementation par les différents acteurs des marchés, dans l’intérêt de l’investisseur. D’après ce que m’a rapporté mon contact des échanges avec la PBOC, un des représentants de Huobi aurait parlé d’une réflexion en cours pour créer un groupe de régulation du secteur en coopération avec les autres exchanges.

Alors que les récentes variations du cours ont attiré une large attention sur Bitcoin, la solution proposée par la PBOC ne semble pas faire sens en l’absence de législation claire et d’autorité de régulation identifiée sur le sujet, en revanche une alliance des principaux exchanges afin de se fixer leurs propres règles paraît raisonnable et apporterait non seulement davantage de stabilité et de légitimité aux exchanges impliqués, mais contribuerait aussi à normaliser le marché chinois.

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Un État peut-il adopter Bitcoin ? Le cas chinois https://le-coin-coin.fr/3682-pboc-interview-bitcoin/ https://le-coin-coin.fr/3682-pboc-interview-bitcoin/#comments Tue, 08 Mar 2016 11:00:03 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=3682 Dans un précédent article, j’avais mis en garde contre la lecture biaisée qu’une partie des média occidentaux faisait du communiqué de la PBOC du 20 janvier dernier. Il n’y avait alors guère d’éléments tangibles dans cette épais concentré de langue de bois pour appuyer la thèse que la banque centrale chinoise, bras armé d’un gouvernement […]

Cet article Un État peut-il adopter Bitcoin ? Le cas chinois est issue du site Le Coin Coin.

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Dans un précédent article, j’avais mis en garde contre la lecture biaisée qu’une partie des média occidentaux faisait du communiqué de la PBOC du 20 janvier dernier. Il n’y avait alors guère d’éléments tangibles dans cette épais concentré de langue de bois pour appuyer la thèse que la banque centrale chinoise, bras armé d’un gouvernement communiste bien connu pour ses penchants libertaires, limite anar’ sympa, envisagerait sérieusement de créer une cryptomonnaie décentralisée ayant une quelconque parenté, même lointaine, avec Bitcoin.

Depuis une interview de Zhou Xiaochuan, président de la PBOC et l’un des responsables cités dans le communiqué du 20 janvier, est parue dans la presse économique en ligne. Le journaliste a centré l’entretien sur ce fameux communiqué du 20 janvier et le projet de monnaie « électronique » annoncée.

Président de la PBOCEt bien, ça n’a pas manqué, et je le dis en toute modestie : les réponses du petit Zhou confirment toutes les réserves que j’avais exprimées après le communiqué du mois dernier. Quelques constats évidents à la lecture de cette interview :

Ce projet de cryptomonnaie étatique n’a rien à voir avec Bitcoin

Bitcoin est pour ainsi dire absent de l’interview, et n’apparaît qu’à l’avant-dernière question posée par le journaliste, et encore seulement dans une référence négative à la fameuse « attaque 51% » :

Q : Comment protéger une monnaie numérique de la contrefaçon ? Comment éviter le risque toujours latent d’une « attaque 51% » qui pèse sur Bitcoin ?

R : En apparence, la protection du papier monnaie contre la contrefaçon dépend de la vigilance des consommateurs, mais en réalité cette protection est rendue possible par un certain nombre de technologies qui sont d’une importance critique pour l’État. Cette situation serait fondamentalement inchangée dans le cas d’une monnaie numérique émise par une banque centrale. Nous mettrons en œuvre toutes sortes de moyens techniques, incluant des moyens cryptographiques, pour préserver la monnaie numérique des risques de contrefaçons. Ces technologies évoluent sans cesse, c’est pourquoi nous essayons d’anticiper ces évolutions et de les intégrer dans nos réflexions, et de penser l’évolution de la monnaie dans une perspective de développement à long terme.

Les débats actuels sur le problème de « l’attaque 51% » concernent essentiellement Bitcoin, qui fonctionne sans l’appui d’une banque centrale. Dans le cas d’une monnaie numérique sous le contrôle d’une banque centrale, nous avons à notre disposition toute une batterie de moyens pour garantir la sécurité du système, des moyens techniques évidemment, mais aussi des mécanismes de contrôle institutionnels, ainsi que la loi et les régulations. Cette monnaie reposerait donc sur des bases conceptuelles différentes de celles de Bitcoin.

En résumé : M.Zhou n’a aucune intention de remettre en question le système monétaire tel qu’il existe aujourd’hui. Le rôle de l’État et de la banque centrale doit rester inchangé, cette dernière en particulier reste garante de la sécurité et de l’intégrité du système monétaire. Conceptuellement, la monnaie numérique que projette la PBOC n’aurait rien à voir avec une cryptomonnaie décentralisée comme Bitcoin, mais ne serait qu’une version électronique de la bonne vieille monnaie fiat du XXe siècle, avec tout ce que ça implique.

L’intérêt de la PBOC pour la Blockchain n’est guère qu’intellectuel (et encore)

Comme de nombreuses autres banques et institutions respectables, la PBOC a succombé à la mode Blockchain, si tendance en 2015, mais au-delà des effets d’annonce, la banque centrale de la 2ème puissance économique mondiale a-t-elle des plans concrets pour cette technologie ? Là encore, l’interview remet bien les pendules à l’heure :

Q : On parle beaucoup de la Blockchain ces derniers mois, est-ce que la PBOC prévoit d’utiliser cette technologie dans son projet de monnaie numérique ?

R : […]Techniquement, la Blockchain est un choix possible. Ses points forts sont l’exploitation d’un ledger distribué, de ne pas reposer sur des comptes liés à des identités réelles, et d’être infalsifiable. Si une monnaie numérique vise principalement à protéger la confidentialité des utilisateurs, alors la Blockchain est tout à fait pertinente. La PBOC a consacré de nombreuses ressources à l’étude des applications de la Blockchain, mais il ressort pour le moment que cette technologie consomme trop de ressources, aussi bien en termes de puissance de calcul que de capacité de stockage, pour pouvoir s’adapter au volume des échanges sur le marché actuel. Nous attendons de voir si ces problèmes peuvent être réglés à l’avenir.

On ne saurait être plus clair : la PBOC a étudié sérieusement la question, mais la blockchain ne satisfait pas ses attentes, du moins en l’état actuel de la technologie. Cette petite réflexion a aussi l’intérêt de montrer la difficulté conceptuelle que représente Bitcoin pour les banques centrales, et probablement dans une moindre mesure les banques commerciales : M.Zhou ne peut envisager la blockchain que dans un modèle d’organisation non seulement centralisé, mais aussi étatiste. Il n’y a qu’une seule monnaie, et la Banque Centrale est son prophète ; comment un réseau qui peine actuellement à absorber plus de 3 transactions par seconde en dépit d’une consommation importante de bande passante et d’énergie électrique pourrait-il supporter le nombre de transactions qui s’effectuent quotidiennement dans une économie de la taille de la Chine ?

Le respect de la vie privée et de la confidentialité des utilisateurs est une préoccupation secondaire pour la PBOC

M. Zhou concède néanmoins que si l’objectif est d’assurer la confidentialité des utilisateurs et des transactions, alors la Blockchain serait tout à fait pertinente. Le problème, c’est qu’en tant que banquier central, la confidentialité des transactions, ce n’est franchement pas sa priorité :

Une banque centrale qui émettrait une monnaie numérique devrait s’assurer que celle-ci présente les caractéristiques suivantes :

Cette monnaie doit être simple à utiliser et sûre.

Il faut à la fois protéger la confidentialité des utilisateurs et garantir l’ordre public, mais aussi faciliter la lutte contre le crime, en particulier endiguer le blanchiment d’argent, le terrorisme et les autres activités criminelles.

Il faut qu’une telle monnaie contribue à rendre l’application des politiques monétaires décidées par la banque centrale plus efficace.

Enfin, elle doit garantir que l’État conserve sa pleine souveraineté sur la monnaie, une monnaie numérique est certes librement convertible, mais l’État doit garder un contrôle sur cette convertibilité.

Ainsi, nous pensons qu’une monnaie numérique, si elle doit être utilisé comme une monnaie légale, doit nécessairement être émise par une banque centrale. L’émission, la circulation et l’échange de cette monnaie numérique doivent suivre les mêmes principes, que ce soit pour une monnaie « traditionnelle » ou les nouvelles monnaies numériques, et implique la mise en œuvre de principes similaires dans leur gestion.

La confidentialité des utilisateurs n’est donc mentionnée qu’en passant, et immédiatement contrebalancée par la nécessaire lutte contre les méchants terroristes et les hommes politiques les gangsters qui lavent leur argent sale en famille. L’accent est mis sur le nécessaire, évidemment nécessaire contrôle de cette monnaie et de ce que les gens font avec, pour s’assurer qu’ils ne fassent rien d’illégal et surtout qu’ils vont bien dans la direction que leur indique la politique monétaire décidée par la banque centrale, pour le plus grand bien de tous, forcément.

Bref, il faut tout changer pour que tout reste comme avant.

On en déduit immédiatement que la Blockchain n’est effectivement PAS une option très intéressante pour les projets de M. Zhou.

Kleptocrates de tous les pays, unissez-vous !

Arrivé à ce stade de mon analyse, le lecteur aura compris que non seulement les projets de monnaies numériques, surtout quand ils sont développés sous la houlette du Parti Communiste, n’ont pas grand-chose à voir avec les cryptomonnaies en général et Bitcoin en particulier, mais qu’on se trouve bien plutôt devant un projet aux antipodes de la philosophie anarchiste des créateurs de Bitcoin.

Il ne s’agit de rien de moins que d’une tentative de prise de contrôle de l’économie par le pouvoir politique, le tout enrobé dans un discours sécuritaire, pour la partie lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme, et lénifiant quand il promet que cette nouvelle monnaie sera plus facile à utiliser au quotidien, curieusement similaire à ce qu’on entend de plus en plus ces derniers temps aussi bien du côté de la BCE que de la FED.

On m’objectera que je suis parano, et que ces monnaies numériques sous le contrôle d’une Banque Centrale, qui je le rappelle est au moins en théorie indépendante de l’État, ne pourront pas être utilisées comme moyen de pression sur d’éventuels dissidents politiques. Et je répondrais que c’est pourtant déjà arrivé lors de l’affaire Wikileaks, avec un véritable blocus financier et le gel du compte paypal de l’organisation. C’était en 2010, et rien n’indique que ça ne pourrait pas se reproduire à plus grande échelle à l’avenir.

Je l’ai déjà dis, et je le redis ici : voir les leaders de ce qu’on appelait autrefois « le Monde Libre » et les héritiers d’une dictature communiste dans une aussi belle unanimité sur des sujets aussi vitaux (dois-je rappeler que les plus pauvres sont toujours les plus vulnérables à ces manipulations monétaires, et que l’inflation n’est qu’un impôt déguisé qui pèse plus lourdement sur eux ?) n’a rien de rassurant.

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Une cryptomonnaie officielle chinoise, vraiment ? https://le-coin-coin.fr/3503-chine-crypto-pboc/ https://le-coin-coin.fr/3503-chine-crypto-pboc/#comments Sun, 31 Jan 2016 21:58:12 +0000 https://le-coin-coin.fr/?p=3503 La semaine dernière, un bref communiqué de la People Bank of China (中国人民银行), la banque centrale chinoise, a suscité un certain nombre d’articles à la fois dans la presse généraliste mais aussi sur des sites spécialisés annonçant que la Chine était sur le point de créer sa propre cryptomonnaie étatique. Dans un contexte de concentration […]

Cet article Une cryptomonnaie officielle chinoise, vraiment ? est issue du site Le Coin Coin.

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La semaine dernière, un bref communiqué de la People Bank of China (中国人民银行), la banque centrale chinoise, a suscité un certain nombre d’articles à la fois dans la presse généraliste mais aussi sur des sites spécialisés annonçant que la Chine était sur le point de créer sa propre cryptomonnaie étatique. Dans un contexte de concentration de mineurs dans un pays connu pour son régime autoritaire et dont l’économie envoie des signaux de plus en plus alarmants, la nouvelle avait de quoi inquiéter : le gouvernement déteste la concurrence, et que se passerait-il s’il décidait tout simplement de s’attaquer aux utilisateurs de Bitcoin et aux mineurs sur son territoire ?

Dans cet article, Wang Chun, avec lequel mes lecteurs ont déjà fait connaissance, envisage ouvertement cette possibilité :

Right now it’s too early to see what effect PBOC’s move will have on China’s bitcoin community, they could decide to let bitcoin co-exist with its own digital currency, or chose to crack down on it.

Il est encore trop tôt pour voir les effets de l’annonce par la PBOC sur la communauté Bitcoin, ils peuvent tout aussi bien décider de laisser Bitcoin coexister avec leur propre devise, ou bien réprimer son utilisation

Alors, le clash entre l’idéal décentralisée et anarchiste de Bitcoin et sa némésis opportunément incarné par un régime autoritaire à la tête d’une superpuissance économique aura-t-il lieu ? La réalité est malheureusement moins spectaculaire. Le communiqué original est en effet imprécis et brouillon au possible, et on y trouve sous une épaisse couche de langue de bois soviétisante typique des communiqués officiels de la Chine communiste bien peu d’indications concrètes sur ce projet de cryptodevise étatique. Par ailleurs, certaines affirmations du communiqué apparaissent en contradiction totale avec la position officielle de l’institution concernant Bitcoin, qui, comme je le rappelais dans un précédent article, n’a jamais été démentie officiellement.

Le communiqué du 20 janvier

Précisons tout d’abord de quoi retourne ce fameux communiqué. Publié le 20 janvier sur le site de la PBOC, il s’agit de la conclusion d’une conférence qui s’est tenu le jour-même à la PBOC, avec des représentants de Deloitte, et Citigroup, autour du sujet des « monnaies numériques » et des opportunités qu’elles représentent pour l’institution.

Ce communiqué est ensuite rapidement repris par Xinhua, l’agence de presse officielle de la Chine populaire, puis par divers sites d’informations chinois dans des versions plus ou moins réécrites et/ou tronquées. Le terme 比特币, « Bitcoin », n’apparaît explicitement ni dans le communiqué de la PBOC, ni semble-t-il dans ses multiples reprises en chinois.

A peine quelques heures après le communiqué original, on trouve une dépêche Reuters qui résume le contenu de la dépêche originale en anglais, et ajoute une référence explicite à Bitcoin qui n’existe pas dans le communiqué chinois.

Néanmoins, quelques indices désignent implicitement Bitcoin dans le communiqué original. Notamment, le terme 区块链 (qukuailian), « Blockchain », qui apparaît en tout et pour tout une seule fois dans tout le communiqué :

会议指出,随着信息科技的发展以及移动互联网、可信可控云计算、终端安全存储、区块链等技术的演进,全球范围内支付方式发生了巨大的变化,数字货币的发展正在对中央银行的货币发行和货币政策带来新的机遇和挑战。

La conférence a montré qu’à la suite de l’évolution des télécommunications, y compris l’internet mobile, de l’apparition de cloud computing fiable et contrôlable, de l’amélioration de la sécurisation des terminaux de données, de l’invention de la blockchain et d’autres évolutions techniques, les moyens de paiement connaissent des bouleversements profond partout dans le monde, et l’essor des monnaies numériques représente actuellement un défi et une opportunité pour les monnaies fiat émises par des banques centrales et leurs politiques monétaires.

Toutes mes excuses pour la lourdeur de cette phrase, mais je tenais à faire sentir à mes lecteurs non sinisants la grâce et la légèreté du chinois bureaucratique. Toujours est-il que le mot Blockchain apparaît au milieu d’une énumération à la Prévert de différentes évolutions technologiques de ces dernières années qui, sans être absolument sans rapport avec Bitcoin, sont loin de s’y rapporter exclusivement. En abordant le texte avec un esprit vierge de tout préjugé, on pourrait même interpréter autrement ce communiqué, et supposer qu’ici le terme « monnaie numérique » renvoie à un certain nombre de nouveaux moyens de paiement électroniques et mobiles apparus ces dernières années, dont Bitcoin n’est qu’un cas particulier.

Cette ambiguïté n’est jamais levée dans la suite du communiqué, qui continue d’accumuler les approximations dans le même style pachydermique, si bien que même après plusieurs lectures il semble impossible de dire exactement en quoi consiste le projet de la PBOC.

Des réactions sceptiques sur le net chinois

Contrairement aux articles cités plus haut, qui semble admettre sans réserve la lecture qui ferait de ce communiqué une directive officielle pour l’adoption d’une crypto certifiée PCC, les réactions des internautes et blogueurs chinois ont été plus nuancées. J’ai notamment lu avec intérêt le commentaire de Chen Gang, un journaliste économique et blogueur basé dans la ville méridionale de Shenzhen, qui relève dans ce communiqué 4 points « douteux » :

  1. L’association d’un gouvernement chinois à tendance protectionniste avec Citigroup, une banque américaine, et Deloitte, un cabinet d’audit lui aussi américain, autour d’un projet qui touche de si près des questions de souveraineté nationale surprend Chen Gang. Il estime par ailleurs que l’envergure d’un tel projet dépasse de très loin les capacités et l’expérience de Citigroup ou de Deloitte dans le domaine.
  2. Il y a un flou sur la terminologie employé. Le texte emploie de façon quasi interchangeable trois termes différents :
    • 数字货币 (shuzi huobi) : monnaie numérique (digital currency)
    • 电子货币 (dianzi huobi) : monnaie électronique
    • 加密货币 (jiami huobi) : cryptomonnaie
    La traduction anglaise dans la dépêche Reuters complique encore un peu les choses en utilisant le terme virtual currency, qui n’apparaît pas du tout dans le texte original.
    Ainsi comment faut-il comprendre cette phrase, qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours :
    会议要求,人民银行数字货币研究团队要积极吸收国内外数字货币研究的重要成果和实践经验,[…] 争取早日推出央行发行的数字货币。
    La conférence est arrivée à la conclusion que le groupe de recherche sur les monnaie numérique de la PBOC doit s’approprier activement les principaux résultats de la recherche menée en Chine et à l’étranger sur les monnaies numériques et des expériences concrètes actuellement en cours […] et s’efforcer de sortir au plus tôt une monnaie numérique émise par une banque centrale.
    Soit on comprend ici que monnaie numérique signifie en fait cryptomonnaie, et donc qu’en effet le projet de la PBOC est de créer une crypto étatique, soit il ne s’agit que d’une monnaie numérique centralisée dont les caractéristiques ne sont ici pas définie.
    Une crypto impliquant une structure décentralisée, et le Parti étant peu suspect de sympathies anarchistes, la 2e solution est plus plausible.
  1. La contribution exacte de Deloitte et Citigroup sur ce projet n’apparaît nulle part. Et quelle aide pourraient-ils fournir à un projet de crypto étatique de toute façon ?
  2. Enfin, un point important : ce communiqué ne fait aucune mention de la position officielle de la PBOC sur le statut de Bitcoin. Jusqu’à démenti officiel, Bitcoin est aux yeux de la PBOC et des autorités chinoises un bien qui peut être échangé, mais qui n’a pas le statut de monnaie. Or si la PBOC avait effectivement pour projet de s’en inspirer pour créer sa propre crypto, elle devrait probablement dans un premier temps changer sa position officielle sur le statut de Bitcoin, ce qu’elle n’a pas fait ici.

Conclusion : quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt.

En l’absence d’un nouveau communiqué officiel qui clarifierait la situation, il me paraît bien imprudent d’avancer que la PBOC ait le moindre projet concret pour remplacer le yuan par une monnaie ressemblant même de loin à Bitcoin. Le communiqué du 20 janvier, en plus d’être écrit dans le style imbitable propre à toute communication officielle du Parti, entretient savamment le flou sur le statut officiel de Bitcoin, ainsi que sur la nature exacte de ce fameux projet de « monnaie numérique nationale ». Bref, en ce qui concerne les crypto, ce communiqué me paraît absolument nul et vide de tout contenu. De la pure diarrhée verbale de bureaucrate à usage purement interne. Poubelle.

En revanche, l’idée que le cash doit être éliminé et remplacé par une monnaie électronique sous le contrôle des autorités semble faire son chemin, et les communistes se trouvent étonnamment en harmonie avec le vieux monde capitaliste sur ce point. Et en dépit de tous les discours sur l’adoption du capitalisme par la Chine rouge, ce ne sont pas vraiment les communistes qui se sont alignés sur leurs ennemis héréditaires sur cette question…

<Maj 01/02> : correction de la terminologie en français, en remplaçant l’anglicisme monnaie digitale par monnaie numérique. En résumé : 数字货币 = digital money/currency = monnaie numérique.

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